Donc la première semaine de décembre, dans tous les temples du Japon, c'est la commémoration de l'Eveil, de l'Illumination du Bouddha.
Il y a beaucoup de sites pour trouver le récit de cette Illumination. Je mets quelques liens vers mon blog,-voir ci dessous- mais ce qui m'intéresse c'est surtout cette question :
quel est le rapport entre l'Illumination du Bouddha il y a 2500 ans et notre vie actuelle ?Parce que si l'Illumination du Bouddha, c'est « seulement »- entre guillemets- l'Illumination du Bouddha, c’est un fait, important mais passé.
Mais le Bouddha dit : « Moi et tous les êtres avons atteint l’Eveil » ; ça veut dire que ce potentiel d'Illumination, qui n'est peut-être pas encore réalisé chez tout le monde ou chez moi, ce potentiel d'Illumination est présent chez tous les êtres. Donc l'Illumination du Bouddha est à la fois une préfiguration en quelque sorte de notre Eveil, et en même temps une réalisation de l'Illumination- ou l’Eveil- de tous les êtres.
« Au cœur même du bouddhisme se trouve la promesse de l'illumination. C'est la flamme lumineuse qui éclaire le Dharma... » dit Joan Sutherland Roshi.
Il y a dans la Voie du Bouddha une lumière joyeuse, et pourtant dont il difficile de parler…
Ce sujet, l’Illumination, me tient à coeur et sans doute, je n’en parle pas assez et on n’en parle pas assez dans le bouddhisme zen ou tout le bouddhisme en Occident.
L'Illumination : si je vous dis, oui, l'Illumination est à notre portée, c'est possible, c'est là la raison même de notre pratique, ce n'est pas facile à entendre.
Si maintenant je vous dis, est -ce que vous, vous pensez que vous pouvez être « illuminé » - atteindre la l’Illumination du Bouddha, alors là je crois que si je vous pose la question sérieusement - imaginez si vous êtes en face de moi pour de vrai, je pose la question : il va y avoir plusieurs réactions, peut être des rires parce que ça nous paraît tellement improbable, de l'incrédulité ...ce n’est pas possible que moi qui me connais, je connais toutes mes petitesses, tous mes défauts, ce n'est pas possible que moi je devienne illuminé.e ! » Et puis de la peur, je crois qu'il y aurait pas mal de peur, on aurait peur d'être différent je crois, alors on pourrait dire :
est ce qu'on va devenir différent - différent de l’image que nous avons de nous-même, vous savez ce moi que nous transportons dans notre grande valise, ou sac à dos, et aussi différent des autres ? Est ce qu'on va vivre dans un autre monde, est ce que les autres vont nous percevoir autrement ou est ce qu’on ne pourra plus vivre dans notre monde quotidien de famille, de travail, d'amis ; peur de changer, de trop changer... etc.
Je pense qu'il y a de la peur parce que nous imaginons l’Eveil comme quelque chose d'extra- ordinaire, empêchant de vivre une vie normale. Alors, je vous renvoie au Parnirvana Soutra parce qu'on y voit le Bouddha qui marche, qui se repose, qui s'arrête, qui mange, qui boit, parle avec ses disciples et on a vraiment l'impression qu’il mène une vie tout à fait « normale » entre guillemets pour un moine errant de de son époque, tout en transmettant son Illumination.
`Mais nous n'arrivons pas à le croire pour nous ; pourtant devenir un Bouddha, à la fois le bouddhisme indien et le Mahayana, tous les textes nous montrent bien que nous avons en nous cette potentialité d'être un Bouddha.
Est-ce un but ou un idéal ?
Lorsque le Bouddha s'est assis sous l'Arbre de l'Eveil, il avait cette volonté de comprendre ce qu'était la vie humaine, de comprendre pourquoi nous tombons sans arrêt, de vie en vie, dans la souffrance et surtout comment il pouvait aider les êtres à mettre fin à cette souffrance. Alors, on ne peut pas dire qu'il a pratiqué avec un « but », mais je dirais que c'est une aspiration, ce qui est complètement différent.
Un but, c’est un horizon, mais aussi une limite. Un but, on l’atteint, et ensuite, quoi ? Ou bien on n’arrive pas à l’atteindre, alors on se décourage, et on lâche.
Non pas que ce soit mal de poser ce but,mais ça n'est pas la pratique de la Voie du Bouddha qui inclut, au coeur des Enseignements, l’Illumination.
Ce n'est pas non plus, pour revenir à des mots assez précis, un idéal parce qu'il me semble qu'un idéal, c'est quelque chose vers lequel on tend mais dont on pense qu'on ne pourra pas le réaliser ; le Bouddha avait cette aspiration à l'Illumination c'est à dire à la compréhension profonde de la Réalité avec un grand R. Elle est mise en œuvre, quand il quitte sa maison, qu’il rencontre des Maîtres, qu’il cherche...puis elle est réalisée.Et ça ne s’arrête pas là, justement il ne reste pas sous l’Arbre de l’Eveil : il va partager et transmettre.
Cette Illumination est la dynamique de la vie. Sinon le Bouddha ne se serait pas levé pour aller enseigner à tous ceux qu'il a rencontrés. C'est très frappant de voir que jusqu'au dernier moment, jusqu’à, je ne sais pas, quelques heures avant l'entrée dans le Parinirvana, il a encore enseigné et il a permis justement à un brahmane très âgé qui était venu le rencontrer de réaliser l'Illumination et donc de le précéder en fait dans le Parinirvana.
Et tous ses disciples, la grande majorité ses disciples étaient devenus des arhats, c'est à dire des êtres éveillés. Les Maîtres nous disent que nous avons oublié la promesse de l’Illumination, nous nous sommes comme mis en exil de notre véritable demeure, mais qu’il est possible d’y revenir, à tout moment. Et que cela n’exclut pas notre manière ordinaire d’être, et de vivre.
L'Essence du Zen Harada Roshi:
« Avant l’illumination de Bouddha (avant qu’il ne s’éveille à son vrai Soi, avant qu’il n’oublie son ego), personne ne savait que l’ego n’existait pas. Pour se libérer de la souffrance, il pensait qu’il lui serait nécessaire de subir une sorte de discipline ascétique très exigeante sur le plan physique. Il a donc passé trois ans d’étude et de pratique ascétique avec les plus grands philosophes et les plus grands enseignants de son temps. Durant ces trois années, il s’est soumis à un entraînement si sévère, que personne avant ou après lui n’a surpassé ses efforts.
Il s’est cependant rendu compte que quelque chose n’était pas juste dans la direction que prenait ce genre de pratique. Il a réalisé que si son corps venait à disparaître, toutes les autres choses disparaîtraient aussi à ce moment-là. Si cela arrivait, il ne pourrait y avoir de Vérité immuable et éternelle. Si une chose finit par disparaître, c’est qu’elle n’est pas réelle. Shakyamuni a compris qu’il devait y avoir un moyen de libérer les hommes de la souffrance de leur vie quotidienne. Il a compris aussi que la pratique ascétique, qui mène souvent au seuil de la mort, n’était pas la Voie qui mène à cette libération. Il a réalisé que même s’il atteignait un certain niveau de compréhension au travers de la pratique ascétique, ce serait une tentative inutile si elle ne durait que le temps de sa propre vie
Tous les jours, l’étoile du matin faisait son apparition à l’aurore. Tous les matins, Shakyamuni voyait l’étoile, mais pour la première fois, ce jour-là, il ne faisait plus qu’un avec elle.
Cela lui sembla si étrange et mystérieux, qu’il proféra le gatha, le vers qui figure à la fin du Sutra du Coeur (Hannya Shingyo). Vous connaissez probablement bien ce vers : « Gate, gate, paragate parasamgate bodhi svaha. »
« Gate » veut dire : « Je l’ai fait », « C’est achevé », « C’est fini », « Finalement, c’est accompli ». Il proféra ce mot deux fois : « Gate, gate », en voyant l’étoile du matin, et comme il était enfin capable de franchir la montagne insurpassable, « Gate, gate, paragate », « Sans aucun doute, c’est vraiment accompli ».
« Parasamgate » signifie : « Je croyais qu’il ne s’agissait que de ma propre souffrance, mais j’ai pu passer au-delà, en union avec tous les êtres humains. » « Bodhi svaha », enfin, dans un cri de joie : « Hourra ! », « Soyez heureux ! », « C’est fini ! », « L’illumination a été réalisée», « Je suis finalement passé de l’autre côté ». C’est ce que veulent dire les derniers mots, « bodhi svaha ». Dans les différents pays bouddhistes, il existe plusieurs interprétations de ce dernier vers du Sutra du Coeur, mais je pense que cette façon de le lire transmet bien son essence.
Ce sur quoi nous devons porter notre attention est que Shakyamuni a dit qu’il avait pu traverser de l’autre côté avec tous les êtres vivants. Il a traversé avec nous tous. S’éveiller au satori et voir la vraie nature du Soi, ce que nous appelons kensho, n’est pas quelque chose qui arrive à soi seul.
Cet éveil se produit en union avec tous les êtres vivants. S’il n’en est pas ainsi, cela ne peut pas être un véritable éveil ou « satori ». Dans l’enseignement bouddhiste, c’est exprimé comme suit : toutes les choses reviennent à une seule, toutes les choses reviennent au Soi, et le Soi est toute chose.
Le satori ou l’Eveil de Shakyamuni n’est pas simplement une expérience qui a eu lieu il y a deux mille cinq cents ans ou plus. C’est l’état de chacun d’entre nous maintenant. Chacun d’entre nous peut s’éveiller à n’importe quel moment, comme l’a fait Shakyamuni en voyant l’étoile du matin. Ou encore, atteindre l’illumination comme Kyogen qui a entendu le bruit d’un caillou cognant un morceau de bambou. Tout au long de la journée, quantité d’occasions se présentent à nous tous pour réaliser la libération en lâchant le corps et l’esprit."
Cette promesse ...Une pratiquante amie à qui j’avais demandé de taper ce texte m’a dit :
« Quelle joie, quelle évidence, quelle simplicité!Quand j’ai lu :« Tous les matins Shakyamuni voyait l'étoile, mais pour la première fois, ce jour-là, il ne faisait plus qu' un avec elle ».
Tout à coup, je me dis que oui, l'éveil est possible et je souris... »
Voilà, c’est cela la promesse...elle est devant nous, et puis un jour, nous la voyons vraiment, et devenons un avec elle...Plus de peur, plus de doutes : « Soyez heureux ! » nous dit le Bouddha, nous dit Harada Roshi ; tout nous le dit : une flamme brillante, une lumière, là, juste à notre portée...
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La promesse
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