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       Le coeur en paix: fleurs de prunier

  • Photo du rédacteur: Joshin Sensei
    Joshin Sensei
  • 26 avr.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 avr.

Tout le jour

dans mes sandales de paille

je vagabondai

parmi les pics nuageux

à la recherche du printemps

je ne pus le trouver...

Au retour un parfum de fleurs de prunier m'accueillit:

le printemps était juste là

– merveille!

dans les branches en fleurs...


Nonne Fleurs de Prunier 8ème s. Chine


J’ai eu envie de finir le mois avec ce texte parce qu’il est joyeux. Cette nonne chinoise rit d’elle même et qui nous invite à rire avec elle : «  Regardez comme c’est drôle… je suis partie chercher ce qui était là juste sous mon nez ! »


C’est un petit peu comme un cliché au départ : on va aller chercher loin ce qui est sous notre nez. On comprend bien qu’il faudrait commencer par regarder ce qu'il y a autour de nous ; mais je vais évacuer ce cliché parce que je trouve qu'il y a beaucoup plus de choses à trouver ici quand on se souvient que c’est une nonne qui écrit cela !


D'abord dans la gaîté de ce texte.. poème...qui nous dit aussi qu’après tout il faut aller chercher ; voilà il faut aller chercher, on ne peut pas commencer par voir ce qui est sous notre nez si on n’a pas cherché d’abord.

Et puis nous, on est toujours en train de chercher quelque chose- la question est : qu’est-ce qu’on cherche ? Un peu plus de ceci...un peu moins de cela… ? Et puis si on trouve ce qu’on veut, on sera heureux.se, ou au moins content.e.


Mais elle, carrément, ce qu’elle cherche, c’est le printemps...et puis nous, en chemin sur une Voie, que cherchons-nous ? Pourquoi pas carrément l’Illumination ? Et si on veut trouver, alors, il faut mettre aux pieds nos sandales de paille et il faut aller chercher, et toute la journée- ou toute une vie ? il faut vagabonder.


J'aime bien cette idée de vagabondage : on ne va pas chercher le printemps, ou l’Eveil, ou la joie avec une idée bien arrêtée. Parce que le monde ne ressemble pas à nos idées, c’est nous qui laissons le monde entrer dans nos idées. Sinon on ne trouvera jamais ! «  Je veux ci et ça, et exactement comme ci et comme ça... » Là vous allez user vos sandales de paille pour rien ! Non, il faut être ouvert et prêt à accueillir ce que nous offre le monde- ou la Voie du Bouddha.

Alors, seulement guidé.e par notre aspiration de printemps, aspiration d’Eveil, de vie pleine et véritable, on va.

On vagabonde : regarder à droite, regarder à gauche, il y a quelque chose de très léger et de très joyeux dans cette recherche. Ce n’est pas obstiné, comme nous quand on VEUT absolument quelque chose ; ce n’est pas désespéré : «  Si je n’ai pas ça... » Oui c'est important de chercher – si vous ne cherchez pas, rien ne se passe...mais ça doit rester très joyeux et aussi tranquille.


Alors, on va se laisser faire des détours quand on vagabonde, à un moment, on voit quelque chose de joli dans un coin, on part par-là et puis après on revient sur ses pas, on s'est éloigné du chemin mais où est le chemin au milieu des pics nuageux ? On ne sait pas et on vagabonde, esprit tranquille et sourire aux lèvres.

Où est le printemps ? Où est la Réalité au-delà des mes idées préconçues ? Cette nonne chinoise, est-ce qu'elle va trouver le vieux prunier tout tordu dont parlait M° Dogen, ou est-ce qu'elle va voir des jonquilles, est-ce qu'elle va entendre le coucou... qu'est-ce que c'est le printemps ? Comment est-ce qu'on fait pour chercher le printemps ? Pour chercher comment vivre sa vie ? Pour chercher notre moi véritable ? On ne sait pas, alors on vagabonde ; l’important c’est de garder un coeur ouvert au monde.

M° Dogen dit que la Voie du Bouddha n'est pas atteinte sans faire l'effort de la pratiquer – ici on dirait sans faire l’effort de la chercher !

À un moment peut-être on se dit, bon, je ne trouve pas et puis on décide de rentrer chez soi tranquillement.


Vous savez que le Patriarche Keizan Jokin disait : « Faire zazen, c'est rentrer chez soi et s'asseoir en paix ». Pour rentrer chez soi, il faut déjà avoir chercher et se rendre compte qu’on ne trouve pas à l’extérieur. On fait un détour pour mieux voir, pour mieux revenir.On n’est plus la même personne quand on revient à son point de départ, on a complètement changé- alors le monde lui-même a changé.

Il y a tant de choses attirantes dans le monde extérieur, c’est si agréable d’aller s’y promener... On veut voir, on veut essayer, on veut goûter. Mais la journée, la vie, passe et on ne trouve pas…Peut -être qu’on est las de ces pics nuageux, peut être qu’on est fatigué.e, qu’on a envie de poser ses affaires, de lâcher toutes ces attentes, d’arrêter cette course...


Rentrer chez soi - pas rester chez soi- ça veut dire qu’il y avait cette nécessité d'aller, de vagabonder, de marcher, de chercher sans savoir exactement quoi. Et puis de lâcher prise pour arriver à respirer le parfum des fleurs de prunier, pour voir cette branche de prunier en fleur qui était là depuis le départ, mais qu'on n’avait pas vu parce qu’on ne revient pas exactement à la même place- il faut se mettre en marche, il faut remonter ses manches, il faut mettre en œuvre notre aspiration.


On dit souvent dans le Zen : l' Éveil est exactement là où vous êtes. Et pourtant, il faut se mettre en marche, et pourtant il faut faire zazen, et pourtant il faut essayer tout au moins de suivre les préceptes et pourtant il faut vivre et pratiquer de tout cœur, et à ce moment-là, à un moment, on va rentrer chez soi et il y aura le parfum des fleurs de prunier qui nous accueille et tout est là.


Tout était toujours là et c'est ce moment- là qu’on réalise qu’on va continuer à marcher parce que même si tout est toujours là, si on s'arrête, si on se rendort, à ce moment-là tout va disparaître, les fleurs de prunier vont se faner et se disperser. Alors on se relève, on va continuer à vagabonder avec nos sandales de paille, peut- être sans plus rien chercher, le coeur en paix.


Et peut-être que nous devenons, comme disait Ryokan :

« Un vent léger

sous le vaste ciel... »


C’est merveilleux !




 
 
 

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