Être à notre place juste
- Joshin Sensei

- 20 sept.
- 5 min de lecture
Retour au silence Katagiri Roshi
Alors je trouve que c'est un texte assez curieux parce qu'il pose la question de la connaissance, mais il ne la pose pas du tout de façon philosophique. Il pose la question est-ce que nous connaissons les choses vraiment ? Est-ce que nous nous connaissons nous-même ? il dit que bien sûr on a des idées sur nous-même, on dit je suis ceci, je suis cela. Mais il nous dit que ce « je » là, ce n'est pas encore tout à fait le véritable « je ». Parce que nous regardons les choses et nous-mêmes à partir d'un point de vue limité. Nous ne savons pas être à notre juste place qui n'est autre que la perspective universelle. Qu’est-ce que c’est que cette perspective universelle ?
C’est non pas voir les choses à travers la connaissance que nous en avons, mais, dit-il, « nous devons nous rendre compte que nous ne dépendons de rien » - c’est à dire arrêter de dépendre de nos idées, lâcher tout ce que nous construisons sur nous et sur le monde, et à ce moment-là, nous pouvons nous mettre à notre juste place, « celle dans laquelle nous faisons partie de la connaissance elle-même. »
J’ai trouvé que c’était impressionnant l’idée de faire partie de la connaissance elle même, et non pas rajouter une connaissance sur ce que je vis, sur ce que je suis ! Par ex j’étudie le bouddhisme, je rajoute une couche de connaissance, le zen idem, la méditation idem..etc !
Il nous parle de cela sur un plan très concret ; il nous dit qu’il s’agit d'adopter de manière concrète cette perspective universelle qui existe dans chacun des aspects de la vie humaine, pas seulement dans la « pratique » de la Voie, mais à chaque moment..
Donc, on n'est pas en train de parler de la « connaissance » pour poser des hypothèses philosophiques. Mais de voir cette connaissance qui vient « des profondeurs de l’existence » que « nous marchions, restions sur place, mangions ou parlions » ; cela veut dire que nous devons occuper une juste place. Cette juste place, c'est là où nous pouvons voir le tableau de l'existence en entier. Je me demande ce que je verrais si je pouvais voir le tableau de l’existence tout entier, et pas dans les limites de ma vue- de la vue de mon esprit.
Nous ne voyons pas les choses en entier, nous voyons des petits bouts selon un peu ce que nous avons envie de voir ou bien, on en a parlé souvent, on voit avec tous les préjugés, habitudes, culture, etc. Et nous pensons que nous voyons les choses. Mais il dit que la véritable connaissance ne peut qu'être entière. Elle ne peut exister qu’à partir d'une perspective universelle.
Et il nous parle du bodhisattva de la compassion Avalokiteshvara, qui regardant le monde, à la fois voit et illumine. Et ça c'est la véritable vue, la place juste, la connaissance juste : celle qui englobe, voit et illumine.
Le texte :
La chose la plus importante transmise par les Bouddhas et les patriarches de génération en génération est ce qui caractérise la connaissance. Il ne s'agit pas d'une connaissance qui tisse une relation avec les objets ou qui rencontre le monde extérieur ; cette connaissance est subtile et inconcevable, aussi n'y a-t-il à proprement parler aucun mot pour l'exprimer.
Il ne s'agit pas d'une chose que nous pourrions connaître en recourant à la discrimination, parce que cette connaissance vient sans qu'on est à user d'un pouvoir ou d'une technique. Elle vient des profondeurs de l'existence. C'est une connaissance où il n'y a pas de distance entre le sujet et l’objet. Cette connaissance est le vrai travail dynamique de la connaissance. La vraie connaissance participe d'elle-même, elle ne fait qu'un avec elle-même.
Elle est « exactement ainsi » ; du fond du cœur nous disons oui. Cette connaissance « exactement ainsi » nous permet d'être nous-même et permet aux autres êtres d'être exactement ce qu'ils sont. Pour ce faire, nous devons partie de la connaissance elle-même.
Autrement dit, pour savoir qui nous sommes, nous devons nous appartenir. C'est très difficile. Nous pensons nous appartenir mais même si nous disons : « oui je sais qui je suis », ce « je » n'est pas le véritable « je » tel qu'il est. Il reste toujours une petite distance.
Le « je » doit appartenir au « je » exactement, intimement. Quand nous avons complètement digéré la connaissance dans notre vie, cette connaissance s'illumine. Cela veut dire que cette connaissance agit de manière concrète sur chaque aspect de la vie humaine. M°Dogen emploie le mot « lumière » et dit que cette lumière est comme le globe oculaire qui se confond avec la paupière.
On traduit généralement la première ligne du sutra du coeur par : « Avalokiteshvara, qui pratique profondément la Prajna Paramita...( la Sagesse Ultime) Mais une traduction littérale donne : « Avalokiteshvara qui voit et illumine la Prajna Paramita... » Voir veut dire connaître, et quand cette connaissance est complètement digérée, elle se change en énergie vitale. Cette énergie vitale apparaît dans tous les aspects de la vie humaine, une tasse, un coussin, gassho. En chaque forme d'être, on peut voir la totalité de cette vie dynamique. C'est voir avec tout son être et tout son esprit. Alors on devient un avec son objet, et c'est la lumière. Ainsi c’est Avalokiteshvara qui pratique profondément en voyant et en illuminant.
Si nous n’utilisons ni nos efforts, ni nos pouvoirs personnels, la vraie connaissance jaillit dès que nous sommes à la place qu'il faut.
Mais d'ordinaire nous ne procédons pas ainsi. Esclaves de nos connaissances, de nos habitudes et de nos préjugés individuels, nous voulons commencer par « comprendre » quelque chose. Cela veut dire que nous campons sur nos positions individuelles sans adopter le point de vue universel. Ce comportement égoïste rend très difficile la perception du tableau tout entier. Pourtant les Bouddhas et les patriarches recommandent d'adopter le juste point de vue. Juste être présent à l'univers.
Nous devons adopter de manière concrète la perspective universelle qui se fait jour dans chacun des aspects de la vie humaine. Que nous marchions, restions sur place, mangions ou parlions, nous pouvons occuper une juste place. Si nous ne dépendons de rien, il nous paraît difficile d'adopter une position ferme. Mais en réalité, pour adopter une position ferme, nous devons nous rendre compte que nous ne dépendons de rien. Alors nous pouvons voir en entier le tableau de l’existence et trouver notre juste place . C'est ce qu'il nous faut faire. »
Alors ce travail sur la connaissance ça m'avait donné, je ne sais pas comment dire, le goût de chercher qu'est-ce que c'est la connaissance dont il parle. Et puis, bien sûr, j'ai réalisé tout de suite que si je cherche cette connaissance, je ne peux pas la trouver forcément puisque pour chercher, je me mets à l'extérieur.
Et donc j'ai - brièvement-essayé, mais c'est c'est faux aussi de faire comme si je ne cherchais pas, comme si j'étais déjà à l'intérieur !
Mais ça ne marche pas non plus, c'est bien évident. Et en fait, je tournais un petit peu en rond et je me suis dit, mais cette connaissance là c'est celle qu'on vit pendant Zazen : au moment où on laisse zazen faire zazen à travers nous, quand je ne cherche plus à penser « je fais zazen », je ne cherche plus à trouver zazen, je ne cherche plus à me trouver moi faisant zazen...
Lorsque tout cela est « digéré », à ce moment-là, il y a une connaissance totale parce que je fais partie de zazen. Et je pense que ce qu'il dit, c'est la la même chose. Lorsque je fais partie de ma vie, je reprends cette expression qui me parle bien, ma vie sans couture- sans couture entre ma vie, moi, zazen, le quotidien et tout l'univers. Et à ce moment-là, eh bien la connaissance, elle est dans ce tout, elle n'est pas en plus, elle est là, exactement là. Voilà ce ce que j'en comprends. Et voilà où j'en suis.
Un soutra dit : « La vérité où tout est Vacuité et la vérité qui opère dans le monde ne sont pas deux » ( Soutra du Filet de Brahma)




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