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Photo du rédacteurJoshin Sensei

Si je ne le fais pas maintenant...M° Dogen et le vieux tenzo

Il y a le Un, tous reliés, interconnectés et interdépendants, on le comprend à travers le Filet d’Indra, et notre vie qui existe et se poursuit grâce au don, offert ou reçu... Et puis il y a « moi », ce que je choisis, ce que je fais, comment je le fais... « ma » vie, « mes » choix. Oui nous avons à dire « je» , « moi » aussi ! Car il y a aussi « deux ». Voici comment nous le montre M° Dogen , à travers sa rencontre avec le vieux tenzo * * Tenzo : le responsable de la cuisine dans les Temples Zen ; le plus souvent un moine âgé, avancé dans sa pratique de la Voie. Difficile à comprendre ce qu’est cette pratique pour nous Occidentaux. Il y a souvent des personnes au temple qui nous disent en riant : « J’étais venu pour la méditation, et j’épluche les légumes « ; Et là on voit qu’ils ont compris qu’éplucher les légumes est aussi la méditation ! »



« Lorsque j'étais en Chine, j'ai parlé pendant mes moments libres avec beaucoup de vieux moines, qui avaient des années d'expérience des différentes responsabilités du temple. Ils m'enseignèrent un peu de ce qu'ils avaient appris. Ce qu'ils purent me dire était certainement la moelle de la pratique transmise jusqu'à nous par les anciens Bouddhas et patriarches, fermement établis dans la Voie. (...).

Un jour, après le déjeuner, comme je marchais vers un autre bâtiment, à l'intérieur du temple, je remarquai ce vieux tenzo qui faisait sécher des champignons au soleil, en face de la salle des cérémonies. Il tenait un bâton en bambou, et ne portait rien sur la tête. Les rayons du soleil étaient si chauds que le sol brûlait sous les pieds. Il travaillait dur, et était tout en sueur. Je ne pus m'empêcher de penser que c'était là un travail trop dur pour lui; il était alors déjà âgé, son dos était courbé et ses sourcils tout blancs. ( L’arrogance des jeunes moines ! M° Dogen va essayer d’expliquer au vieux tenzo ce qu’il devrait et ne devrait pas faire...)

Je m’approchai et lui demandai son âge ; il répondit qu’il avait 68 ans. Je lui demandai alors pourquoi il n'employait jamais d'assistant. - « Les autres ne sont pas moi » me répondit-il. - « C'est vrai, dis-je, et je peux voir que votre travail est l'activité du Dharma, mais pourquoi travailler si dur sous le soleil brûlant ? » - « Si je ne le fais pas maintenant, quand le ferais- je ? » Je n'avais rien à répondre.... » et M° Dogen s’éloigna en réfléchissant à ces paroles, qui vont le marquer pour toute sa vie.

1.Les autres ne sont pas moi : Les autres ne vont pas vivre votre vie, ni mourir votre mort. Votre vie est là, devant vous, quoiqu’il y ait devant vous, quoique vous soyez en train de faire. Nous avançons avec les autres, chacun sur notre chemin. Parfois nous sommes tournés vers nous, c’est nécessaire, nous avons à prendre soin de nous, faire attention à nous ; nous avons notre propre espace. Ne nous trompons pas en pensant que nous ne devons pas prendre soin de nous : il est dit : nous-même et les autres également. Cela c’est la compréhension de l’interconnexion. Parfois nous sommes tournés vers les autres, nous donnons, nous recevons, c’est la compréhension de l’interdépendance.

Car le « je » redevient aussi un nous lorsque nous percevons comment notre vie est reliée à tous les êtres.... C'est la phrase d’ Edgar Morin qui nous dit : « Vivre est un mouvement permanent du je vers le nous et du nous vers le je ».

2. Si je ne le fais pas maintenant, quand le ferais- je ? Si je ne vis pas maintenant, quand le ferai-je ? Dans les temples, dans tous les temples chrétiens, bouddhistes, etc, il y a un grand Maître : c’est l’horaire. Une cloche sonne, on arrête ce qu’on est en train de faire et on va..au zendo, à la cuisine, aux enseignements, au travail... C’est très difficile ! C’est amusant parce qu’on essaye toujours de discuter, en fait de négocier : « Mais il faut absolument que je finisse...Mais je ne peux pas aller maintenant... » « Mais je ne suis pas prêt.e », voilà ce que nous disons ! Souvent les personnes essayent de nous montrer, à Jokei Sensei oui à moi, pourquoi ce n’est pas possible de suivre la cloche ! Pourtant c’est cela qu’il faut faire à cet instant. Parce que notre vie humaine, dans le samsara c’est comme ça : on ne peut pas négocier, discuter. Vous tombez, vous vous cassez la jambe, et vous alliez partir en vacances le lendemain : à qui allez- vous expliquer que vous n’êtes pas prêt.e ? Au moment d’accoucher, le bébé vient, on ne peut pas lui dire, ah non ce n’est pas le moment !

Nous avons à accepter ce qui est devant nous, car c’est maintenant : maintenant qu’il faut vivre, maintenant qu’il faut aller au zendo, maintenant qu’il faut mourir... Repousser la pratique à « plus tard », ou bien repousser le moment de vivre pleinement, entièrement notre vie, de nous y éveiller même pour des tâches ennuyeuses ou répétitives...C’est oublier qu’il n’y a que le « maintenant » ! On entend que, quand ce vieux tenzo dit « faire », il veut dire faire complètement et de tout coeur, de tout corps ; être un avec sa tâche, être un avec cet instant.

Même si depuis 10 ans il fait sécher des champignons, il le fait lorsque c’est le moment juste, et chaque fois il le fait pour la première fois, même élan, même attention, même évidence : il n’y a rien d’autre que cet instant. C’est vous qui vivez votre vie, et elle est là, maintenant, devant vous, ; ou plutôt en vous – exactement là, exactement maintenant, neuve, comme cet air qui vous fait vivre : cette inspiration, vous ne l’avez encore jamais respirée !

Des années plus tard, M° Dogen le dira autrement :

« C’est ainsi que chaque instant est le tout premier »

http://lulena-zen.blogspot.com/2021/05/ profondement-relies-tous-les-etres.html

Sur la pratique de la cuisine dans les temples : https://www.sotozen.com/fre/practice/food/ cooking/okayu.html

http://www.zen-occidental.net/texteszen/ tenzokyokun.html




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