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Rencontrer l’automne...

 

L'automne est souvent vu comme une saison de mélancolie, mais si comme le dit Macy Roshi, «  Il y a un chant qui veut être chanté à travers nous ; nous devons juste y prêter l’oreille ». nous écoutons bien, nous entendrons, oui, son silence et sa plénitude.

II est miroir aussi parfois, et chaque année, il devient davantage pour moi le miroir de ma fragilité.

La vulnérabilité des arbres qui perdent leurs feuilles, de fleurs qui se fanent et tombent cette fragilité trouve en moi un écho dans mon propre corps, dans ma propre fragilité .Pourtant il y a aussi une promesse de l’automne : je suis reliée à tout ce qui est, au même rythme, dans la même respiration.

Si j’accepte d’entrer complètement dans ce monde, de vivre ce moment, cette rencontre avec l’automne à travers mon corps et ma respiration, alors je verrai l’immensité de la vie dans chacune de ses transformations...rencontrer l’automne, rencontrer ma propre vie en son entier qui se vit dans ce qu’Hannah Arendt appelle : «  le monde commun : ce qui nous accueille à notre naissance, ce que nous laissons derrière nous en mourant. »


Rencontrer l’automne


C’est un grand silence d’aube, un silence qui s’étire à travers prés et forêts, qui recouvre les sentiers et les pins, qui emplit le temple et la salle de méditation, qui se faufile dans la cabane à outils sans toucher à rien ; c’est une attente, un repos. Le vent a soufflé toute la nuit jouant dans les feuilles dorées, et ce matin, satisfait, il nous a quittés pour aller de l’autre côté de la montagne coucher les hautes herbes.

Soulagé d’avoir retrouvé le calme, le monde respire ce parfum qui naît de l’humidité de la terre. Quelques asters roses et mauves, un groupe de dahlias crémeux, mais aussi, plus loin, des poireaux verts et des potimarrons dorés, sans oublier comme tous les ans les soucis jaunes et oranges qui emplissent le potager : toutes ces couleurs esquissent dans la légère brume une aquarelle de début d’automne que je contemple, immobile moi aussi. Il me semble que je pourrais m’y fondre, devenant transparence et silence, commencement et plénitude.


Ce matin le monde fait écho à ma fragilité croissante, à ma vulnérabilité qui se dévoile au fil des jours. Cette fragilité, je l’intègre peu à peu dans ma vie, dans mes gestes et également dans mon regard sur les choses. C’est la connaissance de ma finitude qui rend cette aube, ce silence et cette lumière plus proches. Mon corps, qui descend plus lentement les escaliers, qui regarde plus soigneusement les petits obstacles du chemin, se reconnaît dans ce moment suspendu entre nuit et jour, dans ce repos provisoire. Je sais qu’il me faut reprendre souffle en me laissant porter par la terre, en contemplant sa beauté.

Je sais aussi que mes pas doivent rester légers, car à vivre ici dans la montagne fraîche comme à écouter ce qui se passe dans le monde, je comprends la force et la fragilité de la Terre. Sa force, elle qui nourrit la vie depuis des millions d’années et qui nous porte dans la vie comme dans la mort ; mais aussi sa fragilité devant nous, êtres humains, quand la grande forêt brûle, quand l’océan s’emplit de plastique, quand les arbres meurent sous les pluies acides.


La vulnérabilité de mon corps et celle de la nature, ma tranquille inquiétude devant les années à venir, pour la Terre comme pour moi, me poussent à prendre soin davantage de tout ce qui m’entoure. Je deviens plus soucieuse de ce qu’Hannah Arendt appelle : «  le monde commun : ce qui nous accueille à notre naissance, ce que nous laissons derrière nous en mourant. » Ce monde précieux, irremplaçable. J’essaye de la même façon de prendre soin de ce corps, de façon juste, respectant son rythme qui n’est pas toujours celui que je souhaiterais, son énergie ainsi que sa fatigue, cherchant une harmonie toujours recommencée entre mes désirs et ses changements.


Ce matin, dans la respiration de l’aube, je me sens aïeule et fille de tout et de chacun, reliée au monde par le souffle des champs et des sapins, prête à renaître dans un sourire partagé.

J’entrevois l’immensité de la vie dans les premiers signes d’automne, l’infini du temps dans une poignée de feuilles mortes, l’amour des êtres dans le murmure de l’eau.

Le moment passe : un oiseau entame son chant, un autre lui répond ; la brume se dissipe, la cloche sonne pour le petit déjeuner. Il faudra ensuite aller au jardin ramasser les légumes du jour, préparer les repas, rencontrer les autres, rire : la vie, si facile et si difficile, la vie sans limites.


Extrait de Chroniques de la nonne bouddhiste


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