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Photo du rédacteurJoshin Sensei

Nous sommes l’impermanence

INTRODUCTION:


Aujourd'hui.on va s’arrêter sur un mot, « impermanence » parce qu’il est au coeur de tous les Enseignements- et qu’il est plutôt difficile à comprendre, totalement différent de son sens habituel. Je sais bien que tout change, on entre dans l’automne, les arbres ont changé, moi je change, etc...Mais Katagiri Roshi ne nous parle pas de ça, ou plutôt il dit en quelque sorte : ce ne sont pas les arbres qui changent, ce n’est pas vous qui changez...regardez l’autre côté : il n’y a « rien » c’est-à-dire il n’y a pas « quelque chose  » qui s’appelle arbre, ou "quelque chose" qui s’appelle « moi », et qui change, il n’y a que l’impermanence…

On est là au niveau des fils de chaîne sur lesquels se noue la trame de notre vie. Il nous dit : « votre existence ne se limite pas à la petite échelle du monde, elle est immense »

C’est extrêmement pointu, difficile à comprendre parce que ça met sens dessus-dessous toute notre compréhension, et c’est formidable parce que ça donne à nos vies une dimension infinie...voici le texte.



Chacun sait déjà ce que signifie l'Impermanence, mais il est très difficile de comprendre que l'Impermanence est la Nature de Bouddha.

L'impermanence est cet état de l’être, qui change constamment d'un jour à l'autre, d'un moment à l’autre. Tout existe, mais sous l'action du temps et des circonstances, tout change constamment. Vous pouvez vous rendre compte que les choses changent, mais vous avez une conception a priori de la continuité du temps.

Cette conception s'accompagne toujours de l'idée qu'il existe « quelque chose » de permanent, et que ce « quelque chose », c'est vous. Consciemment ou inconsciemment, vous vous attachez à l'idée que vous existez sur un mode constant.

La conception bouddhiste du changement est un peu différente. Pour comprendre le sens du changement ou de l'impermanence, il vous faut comprendre ce qu'est le moment. Le moment présent transcende complètement l'avant et l’après. il est tout à fait au-delà du moment précédent et du moment suivant. Le moment présent est le moment présent. Le moment précédent, déjà enfui, n'est rien d'autre que le moment précédent. Aussi, dire ce qu'est le moment présent, à cet instant précis, ici, même, c’est dire que ce moment a déjà disparu.


Qu'est-ce qu'un moment ? Un moment n'est rien d'autre qu'un être qui ne cesse d'apparaître. Il apparaît tout le temps. Si vous vous concentrez sur ce que signifie vraiment le moment, vous comprenez que le moment n'est rien de plus qu'un être que vous voyez dans le temps. Rien d'autre que le moment lui-même en action.


Ce moment ne fait qu'apparaître, exister. Le moment présent n'est pas quelque chose à quoi vous pouvez vous attacher. Le moment auquel vous vous attachez n'est déjà plus que l'idée que vous vous faites du moment, ce n'est pas le moment réel. Le moment réel est constamment en action, il surgit, il disparaît, il apparaît. Dans le bouddhisme, c'est ce qu'on appelle la Vacuité. C'est pourquoi selon l'enseignement du Bouddha, tous les êtres sont impermanence. Ils sont impermanence en raison même de leur impermanence. Rien de particulier ne crée l’Impermanence.


C'est la nature fondamentale de l'existence. C'est complètement au-delà de nos spéculations ou de nos jugements. Peu importe le temps passé à tenter de nous haïr ou de nous aimer, tel est le portrait de notre existence.

La Vacuité, la Nature de Bouddha, l'impermanence existe sans début et sans fin. Cela signifie que l'impermanence est immuable. Où que vous alliez, seule l'impermanence est là. Le changement constant est, tout simplement. C'est pourquoi l'impermanence est la Nature de Bouddha.


Tous les êtres veulent savoir qui ils sont ; c'est l'état naturel du cœur de chacun, chercher à savoir qui l'on est. Chaque chose veut le savoir, pas seulement les êtres humains. Même l'arbre veut savoir ce qu'il est. Si vous voulez savoir ce qu'est réellement l'arbre, vous devez fonctionner avec lui ; ce qui est en même temps le meilleur moyen de savoir qui vous êtes.

Nous devons nous connaître nous-même en fonctionnant dans le domaine de l'impermanence. Notre corps et notre esprit ne sont rien d'autre que l’impermanence.


Dans le domaine de l'impermanence, zazen surgit comme une bulle. Mais cette bulle appelée zazen n'est pas vraiment une bulle. C'est un moment en soi parce que cette bulle apparaît à la surface du moment. Le moment que vous comprenez est déjà une bulle. Il est pur surgissement. C'est ce qu'on appelle la Vacuité, c'est le véritable sens de l’existence.


Le véritable sens de la Vacuité, c'est l'immensité. Votre existence ne se réduit pas à la petite échelle du monde, elle est immense. Mais si vous voyez le moment de votre seul point de vue individuel, elle devient limitée. La vraie signification du moment est immense. Immédiatement, votre existence individuelle s'élargit à tous les êtres sensibles. C'est une manifestation totale.


Vous devez prendre soin de vous-même en même temps que de tous les êtres sensibles. À ce moment-là, vous pouvez réellement connaître la saveur de l'Impermanence. C'est le meilleur moyen de savoir qui vous êtes : c'est la compassion du Bouddha.


Extraits des p.30-33 Retour au Silence Katagiri Roshi Points Sagesse



Commentaires Joshin Sensei


On revient à cette question : savoir qui nous sommes, mais sous un angle différent. Encore une façon de nous montrer les choses autrement, d’élargir nos points de vue, et de casser nos conceptions sur le monde, moi etc...

Quand on entend parler de l’impermanence dans le bouddhisme, on se dit oui ça existe aussi dans la pensée occidentale : le classique : «  Mignonne allons voir si la rose... » ou bien : «  Tout passe, tout lasse, tout casse » etc.


Il faut qu’on décortique un peu : notre compréhension de l’impermanence est celle d’une chose qui change en une autre chose : une fleur se change en fruit, une jeune fille en une vieille femme.... Donc la racine de notre vision de l’impermanence, c’est qu'il y a quelque chose par exemple la fleur- puis le temps qui passe et il y a autre chose : le fruit. Donc il y a une base et du temps continu.

Nous avons l’idée, nous dit il, qu’il existe quelque chose de constant derrière- en dessous, à côté ?- du changement, deux choses donc.

Par ex il y a notre vie, constante, comme une ligne droite, et qui rencontre à un moment l’impermanence : on se casse la jambe, ou notre maison brûle etc...mais le « moi » à qui arrive, cela reste, dans notre idée, une chose permanente et solide.


Pour les Enseignements, pas du tout ! Katagiri Roshi nous dit «  Rien de particulier ne crée l’impermanence » alors que nous, nous pensons que c’est cet incident, ou cet accident, maladie etc quelque chose qui crée l’impermanence- que sans ce quelque chose , nous serions permanents, constants. Or, nous dit-il, seule l’impermanence est immuable, c’est-à-dire sans changement  et même sans début, sans fin !!

C’est exactement le contraire de notre façon de penser, comme si on on retournait une poche ! Je vois de la permanence secouée par l’impermanence, or, nous dit-il, il n’y a qu’impermanence, d’instant en instant : «  notre corps et notre esprit ne sont rien d’autre qu’impermanence . »


M° Dogen  : «  Nous pensons que l’hiver devient printemps, ou que le printemps devient l‘été ». Oui !

Parce que quand je regarde, je vois des branches nues et après je vois des petits bourgeons et après je vois des feuilles et des fleurs, donc voilà, je vois une évolution donc, je vois « quelque chose » sur laquelle ce changement se greffe.

C’est toujours l’idée qu’il y a un « noyau » et que c’est ce « noyau » qui change.

Et là, justement, les Enseignements nous disent , non ce n'est pas comme ça ! Si je pense ainsi, que l’ hiver se change en printemps, c'est que je pense qu'il y a « une chose » qui s'appelle hiver et une chose qui s'appelle « printemps » et que l'une se transforme en l'autre.


Or l’impermanence signifie qu’il n’y a pas « une chose-hiver » ou un « concept-hiver », mais moment après moment – instant de durée imperceptible, invisible, inconcevable...aussi minuscule que le « kalpa » était immense ! instant après instant, un changement ;

pas un « moment-printemps », ou un « concept-printemps » mais, moment après moment, instant après instant, un changement.

Pas de durée, d’immobilité, de « quelque chose » mais juste un mouvement, un flux, un insaisissable.


Et ça enfin je trouve tellement difficile à comprendre alors on va regarder autrement ! Katagiri Roshi nous dit que pour comprendre l’impermanence, il faut comprendre le moment présent. Chaque « moment-hiver » a son propre passé et présent et futur, et chaque « moment-printemps » a son propre passé et présent et futur !


Si je prends une photo d’un arbre par exemple- ou si je le regarde attentivement : dans cet arbre, il y a déjà son passé, son présent et son futur- passé : le résultat d’une graine, elle même le résultat d’une graine, etc, le présent : ce que je vois, ce que je « fixe », son futur ( pas avenir!) : non pas s’il va vivre encore 50 ans, mais il sera un arbre, dans une continuité d’arbre... qu’en fait son existence totale qui apparaît à chaque moment.


Moi, je vois un moment pris dans le processus du temps plus exactement de la durée, mais Katagiri Roshi nous dit non, le moment n'est rien d'autre qu'un être qui ne cesse d’apparaître : un moment, un moment, un moment .

Il n’y a pas un processus, ça veut dire il n’y a pas « quelque chose » qui est une chose et une durée continue, il y a apparition et disparition ; le moment réel est constamment en action, il surgit, il apparaît, il disparaît.

 Dans le bouddhisme, c'est ce qu'on appelle le « Vide », ou je préfère le terme de « Vacuité » parce que ce n’est pas « vide » comme une pièce vide, c’est un flux, un mouvement, un infini.... C'est l’impermanence. C'est la nature fondamentale de notre existence.


Se représenter notre vie d'instant en instant, c’est faire disparaître cette continuité et voir l’impermanence, la Vacuité, la Nature de Bouddha.

Moi je m'accroche à la continuité ; je vais, consciemment ou pas, rassembler ces instants pour construire une représentation, pour tout mais surtout ce que j'appelle « moi ». Mais ce que je vais appeler moi est aussi une succession d'instants, même si j’ai la certitude de la continuité...

Mais les Enseignements nous disent : il n'y a que le mouvement d’instant en instant. Et pour nous, cette impermanence là est vraiment difficile à se représenter... pour moi j'ai mis des années avant de commencer à apercevoir de quoi ça parle ...

Katagiri Roshi nous dit : « tous les êtres veulent savoir qui ils sont : c'est l'état naturel du cœur de chacun » : nous devons nous connaître nous-même en fonctionnant dans le domaine de l'Impermanence parce que notre corps et notre esprit ne sont rien d'autre que l’impermanence.


Parenthèse : pas une théorie philosophique, mais une expérience : celle de l’Eveil du Bouddha , celle que nous réactualisons à travers la pratique de la méditation, de zazen- pas à croire ou ne pas croire, mais à réaliser par soi même, avec le corps-esprit.


Le bouddhisme nous dit : il y a la réalité des phénomènes, là où j'existe, là où j'ai une identité, où je me réveille le matin en sachant que je suis , où je suis etc., et puis là la Réalité, vous vous souvenez des fils de chaîne de la Vacuité, cette Réalité qui sous-tend les fils de trame de notre vie, cette Réalité, c'est l'impermanence.


La question qui vient ensuite, bien sûr, c'est : qu'est-ce que ça fait pour moi ? qu'est-ce que ça change dans ma vie, qu'est-ce que j'en fais ? Parce que pas une philosophie mais une pratique !


Katagiri Roshi termine ce texte là-dessus en disant que le véritable sens de la Vacuité, le véritable sens de l’impermanence, de la Nature de Bouddha, c'est l'immensité !

 Voilà on revient toujours là, on revient toujours à ça : il y a ma petite personne ici mais ma vraie personne en quelque sorte, c'est la Nature de Bouddha dans ce flux, c'est cette Vacuité à chaque instant.


 Nous vivons notre vie à la rencontre de ces phénomènes qui sont ressentis comme continus et en même temps dans ce flux, instant après instant. Et ça, ça change ma vie au sens que ça me donne, comment dire, cette notion d'illimité, cette notion d'inter-être, d’inter- existence avec tout ce qui existe. Ca permet de connaître la véritable saveur de notre vie, l'immensité.Et c’est à partir de l'immensité que nous comprenons et pratiquons aussi la générosité parce que nous comprenons que «  notre vie s’élargit à tous les êtres sensibles ».


Nous révéler nous-même dans cet état sublime, immense, illimité, qu'est la vie humaine, c’est voir toute vie, vie de tous les êtres vivants et aussi la vie de l'arbre, la vie des montagnes et la vie de l'univers, toute vie immense, illimitée et toute vie alors demande que nous vivions avec générosité et compassion.





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1 Comment


Jacques Le Vourch
Jacques Le Vourch
Nov 21

Merci pour ce beau texte, à lire et à relire. A lire aussi, sur ce thème de la temporalité et du moment, de l'instant, le texte de Shunryu SUZUKI, " Study Yourself ", dans Zen Mind, Beginner's Mind, en particulier le dernier paragraphe. Bien à vous, Jacques

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