En fait le paradoxe « il n’y a pas d’enseignant zen » devient cette semaine « il n’y a pas de croyance zen » et il arrive à la fin de ces commentaires !
Donc les Enseignements nous apprennent qu'il y a les Trois Poisons, l'avidité, la colère et l'ignorance, dont découle toute souffrance. Et Harada Roshi les appelle « les passions illusoires » et il dit qu'elles sont Illumination. Alors, est-ce que ça veut dire que telles quelles avidité, colère et ignorance, bon, c'est parfait. Ca tombe bien justement, on est tous éveillés dans ces conditions-là ! Et plus besoin d’essayer d’appliquer les préceptes ou l’Octuple Sentier.
Non, Harada Roshi nous demande de regarder deux côtés. Il y a un exemple qui m'a toujours frappé, par rapport à l'avidité. Un bébé qui ne serait pas avide, un bébé qui serait pas avide de de boire, d’être nourri, eh bien, c'est un bébé qui mourrait très vite. Cette avidité est avidité de de vivre, donc ça c'est indispensable, c'est un moteur. En fait, ce que Harada Roshi nous demande, c'est de regarder de l'autre côté, l'autre côté de l'avidité, c’est de réaliser quelque chose, et aussi d’aller s’asseoir en zazen ! L’autre côté de la colère, ce serait une forme d'enthousiasme, une sorte d'allant qui là aussi, nous aiderait à réaliser notre vie. Et l'autre côté de l'ignorance, c'est de chercher à savoir, de chercher à connaître. Et on en revient à zazen, chercher à connaître son véritable Soi.
Alors, au lieu d'être utilisé par ces passions,vous savez comment, quand on est en colère, on disparait et c'est la colère qui nous pousse et la colère qui nous fait parler, c'est la colère qui nous fait dire des choses horribles ou pour le moins des bêtises. Et par contre il nous dit au lieu de cela, utilisez cet élan. Pour en faire quelque chose qui va vous amener à vous dépasser, vous amener à chercher, etc
Donc ne les appelez pas « mal » en soi, ces passions, mais évitez plutôt qu'elles soient des poisons, Utilisez les de façon à ce qu'elles deviennent des médicaments qui vous soignent. Vous vous souvenez qu’on appelait le Bouddha le Grand Médecin !
Et ensuite il dit autre chose, il nous parle de zazen : ne vous occupez pas de ces pensées qui arrivent pendant zazen. Et ça, c'est un un point vraiment très important : ne pas pratiquer zazen pour essayer de nous débarrasser de nos pensées. C'est vraiment quelque chose qui m'avait étonnée parce que je demandais aux personnes qui pratiquaient avec moi, mais c'est quoi le problème que vous pensiez pendant zazen ? Après tout, vous êtes assis, vous pensez, c'est comme les nuages, vous savez, c'est l'expression cliché, mais elle est vraie, comme les nuages qui traversent le ciel. Je trouvais que ce n’était pas un problème dès lors qu’on arrivait à s’en décrocher en quelque sorte, mais les personnes me répondaient : « je n'aime pas mes pensées » et là on est sur tout à fait autre chose. On est dans l'idée qu'il y a quelque chose de mauvais en nous dont on doit se débarrasser.
Or, ce qu’il nous dit, et on revient à la première partie, c'est qu’en fait ce n'est pas mauvais, mais nous les laissons nous utiliser au lieu de nous, les utiliser. Et simplement à partir du moment où on comprend cela, on change de place en quelque sorte, ça va, il n’y a plus de « mauvais » ou de « bien ».
Pendant zazen, on peut laisser les pensées nous traverser et on n'a pas besoin de trier, des bonnes pensées ou des mauvaises pensées, M° Dogen : « Ne pensez ni au bien ni au mal », ou ce serait mal de penser, etc. Tout ça, c'est simplement parce qu'on est mal à l'aise avec soi. Il dit plus loin : « Tant que vous faites zazen à l’intérieur de vos propres pensées, vous êtes loin de la pratique »
Mais au moment où vous êtes comme ce grand ciel bleu, vous pouvez laisser passer tous les petits nuages. Il poursuit : « J’aimerais que vous vous jetiez dans zazen et que vous oubliiez vos pensées ». Les oublier, c’est « juste » ne pas s’en occuper, ne pas les considérer, les juger, ne pas juger le fait que vous pensiez, ce qui en quelque sorte vous divise en deux, une partie qui pense, une partie qui regarde penser !
A ce moment-là, « les oublier », il n'y a plus de problème. Harada Roshi nous explique que dans le bouddhisme, tout fait partie de la nature de Bouddha. Il n'y a rien à rejeter, il n'y a rien à rejeter ! Ca, pour nous, c'est vraiment difficile parce que nous avons toujours un petit peu comme l’envie d'enlever de nous des choses que nous n'aimons pas, qu’elles soient physiques d’ailleurs ou dans la tête !
Harada Roshi nous dit : « J'aimerais que vous vous jetiez dans zazen et que vous oubliiez vraiment vos propres pensées ». On ne va pas regarder du côté des pensées, on va pratiquer zazen avec notre corps et avec notre respiration, et on va arrêter de penser à « je ne dois pas faire ceci, je ne dois pas penser à cela,... » On va laisser passer tout ça.
Eh oui, comme le petit nuage. Et oui, c'est un cliché. Et pourtant. Et pourtant, comme et pourtant c'est comme ça.
« J'aimerais que vous vous jetiez dans zazen et que vous oubliiez vraiment vos propres pensées. »
Quand nous oublions nos propres pensées, nous sommes un avec nous-mêmes, nous sommes un avec zazen, nous sommes un avec tout l'univers, tout ce qui nous entoure et à ce moment-là, il n'y a plus de distance. C'est de cette notion de distance dont il parle depuis le début. Il dit, ça n'existe pas qu'il y ait une distance, à aucun moment. Quand il y a une distance entre nous et nos pensées, c'est une distance artificielle, une distance qui n'existe pas, que nous créons par notre esprit . Et quand il y a plus de distance, quand nous ne prêtons plus attention à ces pensées pendant zazen, et je dis bien pendant zazen car c’est de cela qu’il parle, à ce moment-là, nous sommes complètement un avec nous-même, à l'intérieur de nous-même. C'est ce qu'il appelle, en reprenant un terme très présent chez M° Dogen, « être intime avec nous-même », être débarrassé de la « distance ». C'est cela, devenir intime avec son Soi véritable.
Et je termine avec paradoxe et paradoxe toujours, il dit « Il n'y a rien d'autre que cela. Être intime signifie se débarrasser de la distance. Je voudrais que vous croyiez cela. » Croire au sens de « vérifier », il ne nous demande pas de « croire » avec notre tête !
Et il poursuit- paradoxe, mais pas vraiment, « Alors quand vous le croirez vraiment, abandonnez cette croyance, je vous en prie, croyez jusqu'à ce que la croyance ne soit plus nécessaire. » !
Alors bien sûr, on comprend, aussi longtemps qu'il y a une croyance, eh bien, on crée une distance avec cette chose et au moment où nous sommes un avec cette chose, la croyance n'est plus nécessaire, elle tombe d’elle même.
Donc, ce n'est pas un paradoxe, c'est simplement revenir à l'idée de la non-distance. Et on va se débarrasser aussi de cette idée lorsque on sera vraiment dans cette unité ; mais si on crée l’idée d’être vraiment un, il va falloir s’en débarrasser aussi, sinon on est comme les moines devant Nansen...voilà, on n’en sort pas, on ne peut plus parler à un moment, et c'est pour ça que il faut pratiquer zazen.
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