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  • Photo du rédacteurJoshin Sensei

La patience, ou l'art d'étreindre tout ce que nous rencontrons dans nos vies. Jokei Sensei

Je trouve que parler de la patience est d'actualité. Nous sommes confinés depuis un mois, et il nous reste au moins encore un mois de confinement . Et, il me semble que l'on est déjà maintenant en train de penser à après. Préparer l'après est important, mais se projeter aujourd'hui dans l'après est un peu rapide à mon avis.

C'est un peu comme si l'on avait atteint le lieu où l'on voulait arriver. Je m'imagine en haut du pic du suc de Lisieux, en Haute Loire et c'est un peu comme si j'avais terminé la marche. J'en oublie le retour. Après tout, ça va descendre maintenant. Mais attention, parce que si je ne reste pas bien là, dans mes pieds, je risque de tomber, de chuter et de me faire mal !

Ce mois d'efforts avec ce contentement du « Ouf ! Un mois de fait » pourrait bien voler en éclat, être bâclé par notre impatience. Après tout nous vivons dans un monde matérialiste où en général, l'efficacité et l'acquisition de ce que nous désirons sont valorisés ; dans un monde où nous cherchons à éviter ce que nous n'aimons pas et où nous cherchons par tous les moyens à éliminer au plus vite toute source de douleur physique et mentale, toute contrariété.

Mais c'est vrai que maintenant, cela me donne à réfléchir plus activement sur la patience.

Déjà, je me suis rendue compte que je voyais la patience comme quelque chose de passif. Quelque chose de peu d'énergie. Et l'autre jour, j'ai trouvé une calligraphie de Keyko Yokoyama. Pour la calligraphie, comme dans le sumi-e, la peinture chinoise, la personne avant de peindre, se met dans un état intérieur de calme, de silence et ainsi se laisse entièrement imprégner de ce qu'elle va tracer. Donc, Keiko Yokoyama, quand elle a tracé le signe SHINBO : la patience, en était totalement imbibée et le résultat de cette calligraphie est d'une énergie incroyable. Une énergie d'une beauté et tout en mouvement.

Ça m'a interrogée. Quelle est cette énergie incroyable de la patience ? Alors comme j'aime beaucoup regarder, essayer de comprendre le sens des idéogrammes, j’ai cherché et voilà comment les japonais le conceptualisent :

Ce SHIN est tout ce qui représente le trop fort au niveau du goût. De ce que l'on met dans sa bouche et que l'on a du mal à avaler. Le piquant, amer/âpre, acide et aigre.

Le signe BÔ veut dire enlacer, prendre dans ses bras, étreindre.

Étreindre ce qui est trop relevé Il y a une expression en français : « Prendre son mal en patience ».

Dans les deux cas, japonais et français, il y a ces idées de souffrance du corps ou du mental qui ne sont pas en paix. On peut déjà poser la patience comme l'acte de recevoir, enlacer nos souffrances et non pas s'échapper, fuir nos souffrances.

Dans le bouddhisme, la patience est une vertu ou perfection que l'on étudie, pratique, que l'on approfondit. Les perfections sont au nombre de 6 (et parfois 10). Il y a : le don, l'éthique, la patience ou kshanti en pali, l'énergie, dhyana/zazen et prajna la sagesse.

Ces perfections fonctionnent toutes ensemble mais sans patience, les autre vertus disparaissent.

Revenons à notre situation actuelle. Par exemple, au Betsuin, nous vivons dans un appartement, grand et lumineux et les voisins sont tranquilles mais bon : il y a la voisine qui essaye depuis des semaines de jouer au piano « La Lettre à Elise » et moi qui me retrouve en boucle avec cet air en tête. Ou bien, vers 21h30 un autre voisin, je n'ai pas encore bien compris de qui il s'agit, qui se met à taper des coups de marteau et ça me fait sursauter à tel point que j'ai l'impression qu'il est rentré au Betsuin.

Il y a ces contraintes de sorties, ces frustrations, etc. Pour certains, il y a des personnes âgées ou malades que l'on n'est pas autorisé à voir et les petits-enfants qui manquent aux grands-parents.

Comme on le voit, il y a des petites irritations et ça peut aller à de vraies contrariétés, douleurs affectives comme la perte d'un proche. Ça va du petit cours d'eau au torrent qui dévale.

Mais il y a aussi une autre forme d'impatience qui est le découragement. C'est comme ne pas voir le fonds du tunnel et commencer à angoisser et se laisser aller en étant moins attentif à sa nourriture, sa tenue, se relâcher et peut-être même se négliger. Ce sont des formes d'impatience. L'attente devient trop longue, alors l'énergie baisse.

Tout cela, ce sont les agitations de notre esprit et donc de notre corps.

Autant la colère, la précipitation et l'agitation touche les autres, autant, la tolérance et le calme influent sur les autres.

Le monastère est un endroit parfait pour étudier la patience. Actuellement c'est un peu comme cela que nous vivons tous. Quand j'étais au Japon, j'ai beaucoup souffert, surtout la première année, de la chaleur moite et des moustiques en été. Je me suis souvent demandé pourquoi est-ce que j'étais là à souffrir dans mon corps. Mon esprit attrapait toujours quelque chose pour manifester l'impatience et j'ai eu la chance d'avoir beaucoup de thèmes.

Avec le recul, j'ai réalisé que j'avais deux niveaux d'impatience : Le climat et les moustiques

Mon mental qui s'agitait de plus en plus.

Une vraie confusion !

Notre pratique est de rester là où nous sommes et d'écouter, d'observer et même d'enlacer cet esprit, enlacer cette plainte, cette agitation physique et mentale, c'est là que l'on réalise que cette agitation, ce bruit à l'intérieur va et vient.

A une moment, elle est là et l'instant suivant elle a disparu.

L'énergie de la patience c'est justement notre capacité à enlacer nos vies telles qu'elles sont. A recevoir le monde tel qu'il est que nous l'aimions ou pas, que nous l'approuvions ou pas, nous apprenons pas à pas à vivre en paix avec nous-même et les autres.

Dans le bouddhisme, il y a trois sortes de patiences :

La tolérance envers les autres. Tous nous voulons être heureux, tous nous voulons le bonheur. Et nous ne sommes pas différents les uns des autres. Mes blessures, mes agitations et celles de l'autre sont identiques.

  • La patience à accepter ma propre douleur physique et mentale. A pouvoir l'embrasser en observant comme elle est changeante.

  • La patience à avancer sur la Voie du Bouddha, à marcher sur cette Voie. C'est la Voie du guerrier décrite par le Maître tibétain Shogyam Trungpa.

Tant que ces vérités de notre nature changeante et totalement reliée ne sont pas réalisées, comprise, l'impatience domine.

Aujourd'hui, je nous souhaite d'avoir la patience de nous accepter nous-même, d'accepter les autres et les situations plus ou moins faciles de nos vies afin de cheminer ensemble dans la paix du Bouddha.

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