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Faire vibrer les cordes du coeur

« Vous devez faire l’expérience de faire vibrer les cordes du coeur. »

Voilà ce dont nous parle ce passage du livre. Qu’est-ce que ça veut dire ? Comment comprendre cette phrase ?  


D’abord le texte Katagiri Roshi, Retour au silence p.99-101 :

« Lorsque notre expérience nous permet de faire vibrer les cordes du coeur, nous ressentons une grande joie qui s’exprime par des mots ou par notre corps et notre esprit. Parfois, on ne peut rien dire, parce que faire vibrer les cordes du coeur est une expérience spirituelle profonde. Parfois, on peut l’exprimer et d’autres fois non ; mais cela influence réellement notre vie.

   Si vous donnez une interprétation intellectuelle ou émotionnelle de cette expérience - « faire vibrer les cordes du coeur » - , ce n’est déjà plus que votre expérience individuelle. Mais, avant toute interprétation, faire vibrer les cordes du coeur est en soi une chose immense. Vous ne pouvez rien dire. Cette expérience, vous pouvez la faire à travers zazen, ou grâce à l’enseignement du Bouddha, ou dans votre vie quotidienne. Vous savez ce que c’est, mais vous ne pouvez pas l’expliquer. C’est très efficace et cela influence directement votre vie. Cette expérience vous indique grandement ce qu’il faut faire, et d’un point de vue très profond.

Aussi est-il très important que vous la fassiez avant que votre conscience ou même votre intuition ne s’en empare.

Faire vibrer les cordes du coeur est une expérience en soi. C’est important pour chacun de nous. Les Enseignements insistent sans cesse sur ce point.


   Hui Ch’ao demanda à Fa Yen : « Qu’est-ce que bouddha ? » Fa Yen répondit : « C’est ce que tu es, Hui Ch’ao », ce qui veut dire : « Tu es bouddha lui-même. »

Cette phrase, « Tu es bouddha lui-même », vous devez en faire l’expérience, elle est la vibration du coeur. Et quand vous en faites l’expérience, deux choses vous deviennent immédiatement visibles : vous pouvez l’expliquer parce que vous en faites l’expérience directe, et, bien que ce soit inexplicable, cela ne l’est pas, parce que vous prêtez attention à cette expérience qui est en soi faire vibrer les cordes du coeur.


Alors, il n’y a plus moyen d’expliquer quoi que ce soit. C’est ce qu’on appelle bouddha. C’est vous, parce que, sans vous, il n’y aurait pas d’expérience possible et que vous ne pourriez rien savoir. L’expérience en soi qu’on appelle « faire vibrer les cordes du coeur » transcende de manière caractéristique toute explication. Mais c’est quelque chose d’actif, quelque chose qui fonctionne en permanence ; c’est pourquoi vous pouvez faire cette expérience. En ce sens, c’est explicable.

   

La pratique du zen se concentre toujours sur l’expérience en soi. Faire vibrer les cordes du coeur est complètement au-delà de la satisfaction ou de l’insatisfaction individuelles. Tout ce que vous avez à faire est d’aller directement à cette expérience en soi. C’est simplement s’asseoir, faire gasshô, chanter. Mais cela ne nous satisfait pas, parce que nous jugeons toujours les choses avec notre conscience. Pourtant, une chose jugée par notre conscience ne peut pas nous mener au coeur de l’expérience.

  Ce qui compte, c’est que vous devez faire l’expérience de faire vibrer les cordes du coeur. Si ce n’est pas le cas, vous ne pouvez pas comprendre les êtres humains d’un point de vue universel. Les bouddhas et les patriarches ont toujours enseigné qu’il faut faire vibrer le coeur directement. Parfois, vous vous sentez bien ; parfois, non ; c’est égal. Quoi que vous puissiez en dire, allez-y. En d’autres termes, faire vibrer le coeur, c’est en tirer tous les harmoniques possibles. Si vous ne savez pas comment faire, c’est que vous êtes dans l’ignorance depuis le commencement. Tout ce que nous avons à faire, c’est de faire chanter toutes leurs harmoniques aux cordes du coeur. Tôt ou tard, l’ignorance ouvrira sa propre porte et vous trouverez le chemin jusqu’aux cordes du coeur.

Ainsi Fa Yen répondit-il : « Tu es bouddha. »



J'ai été très touchée par cette expression quand je l'ai lue ; je ne sais pas ce que c'est, je ne sais pas ce que ça veut dire, mais je sais que ça résonne en moi et je sais qu'il y a des moments effectivement où je peux laisser vibrer les cordes du cœur, sans essayer d'intervenir, sans essayer de mettre des mots, sans essayer d'attraper ce moment. Ce moment : « simplement s’asseoir, faire gasshô, chanter », mais bien sûr on peut dire aussi écouter les vagues, sourire à un ami, éplucher un légume, regarder un tableau… Est-ce que je peux dire qu’à ce moment là, je résonne en harmonie avec tout ce qui existe...


Même si nous ne pouvons pas comprendre, si je ne peux comprendre ce « je » qui est au diapason avec cet instant lorsque vibrent ces cordes du cœur, nous pouvons toucher, nous pouvons apprécier, nous pouvons ressentir- je ne sais pas quel mot il faudrait mettre- ce qu'est l'humain, ce qui est le plus profond, le plus véritable, ce qui nous échappe et qui en même temps est le plus profondément nous-même, ce qu'on reconnaît forcément chez l'autre, ce qui nous unit au-delà de toute nos différences : «  Tu es Bouddha »


« Faire vibrer les cordes du cœur, c'est une expérience en soi » donc ce n’est quelque chose qui se prête à l’analyse, car nous vivons, nous en faisons l’expérience directe ; je peux donner une réponse émotionnelle, ou intellectuelle, mais nous dit-il, ce ne sera qu’une réponse individuelle. Ce ne sera pas « une chose immense ».

Une chose immense, c’est le coeur : notre coeur sans limites, notre coeur lumineux, notre coeur aussi vaste, dit M°Dogen que « la terre immense et le grand ciel vide »


Mais ce mot « cordes » ? ça m'a fait penser aux cordes d'une guitare et vous connaissez cette histoire: quelqu'un demande au Bouddha comment doivent être le corps et l'esprit pendant la méditation. Le Bouddha répond comme les cordes d'une cithare (ou d'une guitare) : ni trop tendues, ni trop lâches, et je me suis en effet, pour que les cordes de notre cœur puissent résonner, il faut qu'elle soit « justes »


Et je voudrais faire un détour par un texte que je travaille avec un autre groupe, un texte que j'ai cité ici je crois, dans lequel TNH nous dit que les sons, tout comme les images, peuvent nous aider à revenir à notre vrai moi ; que le matin, en ouvrant la fenêtre et en voyant la lumière, je peux reconnaître la voix du Dharma. Que je peux voir une manifestation du Dharma dans toutes les choses, un oiseau qui m'appelle, une pierre, un bambou, les pleurs d'un enfant. Tout cela peut être la voix du Dharma ; et dans le texte d’aujourd’hui Katagiri Roshi dit nous ressentons une grande joie lorsque ces cordes font résonner notre cœur.


Cette grande joie qui naît en nous lorsque, en un instant, nous sommes en harmonie complète avec le monde, nous résonnons avec le monde- notre manque intérieur, ce qui en nous « appelle » sans cesse, est soudain comblé, nous sommes le monde, le monde est nous, nous nous rencontrons nous-même- nous résonnons au monde.


Il y a deux expressions dans le texte qui m'ont amenée à cette « compréhension », ce n’est pas le mot, mais peut-être à des souvenirs de ce que nous vivons lorsque nous faisons l’expérience ( à travers le corps, à travers le sensible) de cette vibration du coeur.

La première expression, c'est la réponse du Maître à son disciple : « Tu es Bouddha lui-même ». Lorsque notre cœur est ouvert, lorsqu'il est « juste » à ce moment-là, c’est à dire accordé au monde, tout en nous résonne. C'est la voix du Dharma, c'est le Bouddha lui-même.

Nous pouvons toucher, nous pouvons apprécier, nous pouvons ressentir- je ne sais pas quel mot il faudrait mettre- ce qu'est l'humain, ce qui est le plus profond, le plus véritable, ce qui nous échappe et qui en même temps est le plus profondément nous-même, ce qu'on reconnaît forcément chez l'autre, ce qui nous unit au-delà de toutes nos différences : «  Tu es Bouddha »


Et ce qui m'a renforcée dans cette perspective, c'est l'expression «  faire chanter tous les harmoniques possibles des cordes du cœur ».

J'ai regardé ce que c'était « harmonique » (masculin!) parce que je ne connais rien en musique et l'explication n'est pas trop claire pour moi parce que je manque un peu des données de base mais ce que j'ai compris, c’est que chaque corde d'une guitare peut chanter de façon différente suivant l'endroit et la façon dont on la touche- et aussi qu’un autre sens de ce mot nous ramène à l’unité.


Alors, « tous les harmoniques », ça veut dire que nous pouvons faire écho, laisser résonner dans notre cœur immense, tout ce qui apparaît - la joie comme la tristesse, le chagrin comme le bonheur, la beauté comme la laideur etc. Tout cela va résonner dans notre cœur, parce que notre cœur est assez vaste pour tout recevoir, et comme le dit Thich Nath Hanh, nous pouvons voir, entendre, tout reconnaître comme le Bouddha, comme le Dharma, « au-delà de la satisfaction ou de l’insatisfaction individuelles. »


Je ne suis plus dans ce petit moi, toujours en train de trier à partir de « j’aime/j’aime pas », mais comme on joue sur les cordes d‘une guitare à toutes les hauteurs, je peux résonner à toutes les voix du monde, parce que je me suis, en quelque sorte, « vidée » de moi même ; j’ai vidé mon coeur pour qu’il puisse résonner en harmonie.


Il n’y a pas de limites, ce sont tous les harmoniques des cordes du coeur qui vont chanter. Reconnaissance totale de tout ce qui est autre et de moi-même dans un instant sans limite au-delà du temps.

Et cette lecture m'a renvoyée à une phrase extrêmement parfaite, il me semble pour entrer dans ce texte ; c'est un courrier qu’une pratiquante, une pratiquante de longue date du Zen, m'a envoyé il y a plusieurs années qui m'est toujours resté en tête parce que je trouvais que c'était quelque chose de vraiment parfait- et aujourd’hui qui résonne exactement avec ce texte :

« Avant, écrivit-elle, lorsque j’étais en voiture et que des gens traversaient, je pensais : « C’est Jésus qui passe, c’est Bouddha qui passe ». Maintenant je dis : « C’est moi qui passe » M.C. B.



Rien à ajouter, les cordes du coeur qui résonnent...

ree

 
 
 

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