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Devenir une personne-dragon !

  • Photo du rédacteur: Joshin Sensei
    Joshin Sensei
  • il y a 12 minutes
  • 5 min de lecture

Qu’est-ce que c’est, une personne-dragon ? Ca commence par une histoire :Il existe, dit-on, au pied des Sources Jaunes un endroit où se réunissent les poissons, des carpes plus précisément les KOI, puis avec ténacité, avec courage, elles se mettent à remonter les chutes d’eau, et lorsqu’elles parviennent en haut, elles sont devenus des dragons !

En fait, ça ne se voit pas du tout, extérieurement elles n’ont pas changé mais elles ont passé la « Porte sans porte » et ce sont des poissons-dragons !

Il faut bien comprendre qu’en Asie les dragons sont considérés comme des Sages, des protecteurs du Dharma- vous avez sans doute vu cette représentation du Bouddha complètement détendu et tranquille assis sous la capuche du Naga, le Roi des serpents-dragons…

Qu’est-ce qui fait que nous aussi un jour, sans le savoir sans doute ,nous allons passer par cette Porte et devenir des personnes-dragons, « perdre nos entraves et gagner notre liberté » comme le dit Harada Shodo Roshi


Le texte :


A la triple Porte du Dragon,

Là où les vagues s’élèvent,

Les poissons deviennent des dragons.

   

Ces vers proviennent d’un poème de Setcho, à propos du septième cas du Recueil de koans de la Falaise Verte, « L’écho demande ce qu’il en est du Bouddha  ».

Au printemps, lorsque les pêchers sont en fleurs, les carpes se rassemblent au pied des trois cascades du Fleuve Jaune appelées «  la Porte du Dragon  ». La légende raconte que celles qui parviennent à remonter ces cascades deviennent des dragons.

   

Après avoir pratiqué avec rigueur pendant six ans et avoir tout mis de côté pour actualiser directement l’énergie vitale, le Bouddha vit l’étoile du matin et sut qu’il était cette étoile même, sans séparation entre intérieur et extérieur.

Si, avec toutes nos illusions et tous nos manques, nous pouvons complètement remonter cette cascade, nos habitudes qui consistent à penser, à présumer ou à projeter sont balayées, et nous devenons un dragon capable de voler dans le ciel. Perdant nos entraves, nous gagnons notre liberté.

Pour transpercer la pensée conceptuelle et lâcher nos bagages mentaux, nous devons clarifier notre être avec les mêmes efforts et la même détermination que mettent les carpes pour remonter les cascades. Lorsque nous remettons tout en question, nous connaissons l’état d’esprit du Bouddha.

 

Certaines personnes ne comprennent pas pourquoi il est essentiel de suivre le Chemin jusqu’au bout. Ceux qui l’ont fait ne semblent pas si différents en apparence ; ce qui change, c’est la manière dont ils fonctionnent et vivent. Dire que nous mourrons de toute façon, que l’Eveil ne changera rien au fait que nous ayons faim et qu’il n’empêchera pas le monde de traverser des crises, revient à nier cette vérité. Les personnes qui ne voient pas l’intérêt d’affiner leur propre état d’esprit resteront toujours à la merci de leur corps et de ses besoins, ballottées par leurs émotions et leurs pensées.

   Toute personne qui s’éveille peut en guider d’autres et les aider à s’éveiller à leur tour, de la même manière que l’Illumination du Bouddha continue à influencer celle d’autres personnes aujourd’hui encore. Mais bien que l’Eveil du Bouddha ait été maintenu vivant pendant 2500 ans, si personne ne poursuit ce travail, il n’y aura plus personne pour en parler aux générations futures. Peu importent le nombre de textes ou de recueils laissés, ceux qui n’ont pas directement réalisé la Nature de Bouddha ne seront pas en mesure d’effleurer sa vérité profonde. L’Eveil de chaque personne est donc essentiel.


Shodo Harada Roshi in Buddhadharma, Winter 2011, extrait de «  Moon by the Window.  » Traduction  : Françoise Myosen


J’ai trouvé que cette dernière phrase était très forte car elle nous met directement en face de nos responsabilités : nous pratiquons, nous nous éveillons pour poursuivre le Chemin du Bouddha ; nous sommes des relais sur ce long chemin.

J’aime bien cette idée de relais parce qu’il y a les deux côtés de recevoir et redonner, et aussi cela dit que chacun.e à notre façon, nous allons transmettre à travers nos limites, mais aussi que nous sommes indispensables pour que l’étoile du matin continue à éclairer la vie de tous les êtres.


Quand j’ai lu ce texte, j’ai revu Zuigakuin, le temple de Moriyama Roshi : au départ c’était une vieille ferme située dans le centre du Japon, offerte au Roshi qui l’a fait démonter – tout est en bois!- puis remonter dans la montagne au creux d’une forêt, à 500 km de là.

Et le Roshi s’est installé seul dans le temple, avec le soutien de ses Maîtres, pour faire revivre la tradition de M° Dogen avec ténacité et courage...et très vite Zuigakuin a été reconnu comme un grand lieu de pratique du Dharma à travers le Japon, auprès des japonais comme des étrangers.


Je pense que Zuigakuin c’est un temple-dragon ! Il n’y a rien de « Zen », là-bas, ni jardin zen, ni ikebana ou calligraphie, juste le lieu vivant du Dharma, et cette ferme est devenue un temple-dragon !

Et le Roshi : un Maître-dragon, non pas parce que terrifiant, pas du tout, enfin pas souvent... mais parce qu’il m’a toujours rappelé une phrase de M° Dogen ds le Fukanzazengi : parlant de la réalisation de la Sagesse de Bouddha, il dit : « Si vous comprenez cela, vous êtes complètement libres, comme un dragon qui s'ébat dans l'eau ou un tigre étendu dans la montagne ».


Être une personne-dragon : être une personne complètement libre de soi, être la forme pure de ce que nous sommes réellement : une liberté « juste », non pas détaché de tout mais au contraire en harmonie avec tout. Et là , on trouve naturellement le geste, ou la parole, juste pour répondre à ce qui se présente.


Et puis il y a la gaité, la joie lorsque nous sommes libres de nous :Hakuin écrit dans le Chant du Zazen : « Notre pensée étant maintenant la non-pensée, nos danses et nos chants sont la voix du Dharma. » et je crois que l’écho du rire de Maître Moriyama résonne encore à travers le Japon, l’Europe, l’Amérique du Sud et le monde entier, au-delà du temps et de l’espace…

Quelle décision, quel pas en avant, quelle réalisation de ce que nous voulons faire de notre vie fait que nous aussi un jour, sans le savoir sans doute, nous allons passer par cette porte et devenir des personnes-dragons…Nous aurons fait face à une situation avec persévérance, avec courage, et devenues personnes dragons nous allons « perdre nos entraves et gagner notre liberté » comme le dit Harada Roshi- nous rendant ainsi capables d’aider tous les êtres avec générosité ; sortir de notre petit moi, nous ouvrir au monde : devenir des personnes-dragons !


`Et moi je ne peux bien sûr qu'être d'accord avec Harada Roshi pour dire que nous avons cette responsabilité de partager et transmettre tout ce que le Bouddha nous a donné. J’ajouterai une chose : il me semble que dans notre société telle qu'elle est au 21e siècle, il y a une autre chose extrêmement importante à transmettre, qui n'est pas facile, qui va demander aussi de la persévérance et des efforts pour remonter les cascades et traverser la porte du dragon- ce que nous avons à transmettre aujourd’hui, ce qu'il est impérieux de transmettre, je pense, c'est notre humanité.

Encore une merveille !












 
 
 

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