Le 1er décembre, c’est l’entrée dans la retraite de « Rohatsu » : dans tous les temples bouddhistes Zen, la première semaine de décembre est une semaine de retraite, une semaine de silence et d’assise qui commémore l’Illumination du Bouddha sous l’Arbre de l’Eveil.
C’est pourquoi nous nous rencontrerons exceptionnellement le samedi 7, pour une approche de cette Illumination.
S’asseoir pendant plusieurs jours dans le silence, est, selon comme on le regarde, un challenge, un moment inutile ou une réalisation de soi même. Ajahn Sumedo nous dit que c’est le contraire de ce que nous considérons comme important: « Il semble que nous ayons toujours besoin de faire quelque chose, de nous agiter, de remplir le silence de bruit et l’espace de formes…. »
Pourtant ce n’est que dans le « vide » du silence que nous pouvons laisser apparaître – et on a vu que c’est différent de « faire apparaître »- notre moi véritable, complet. Un « vide » source de possibles, de mouvement, un espace de paix.
« Comme le grand ciel bleu, le cœur vide n’a ni limite ni fin...le cœur vide pardonne et nourrit tous les êtres autour de lui. »
Aujourd’hui, deux textes pour ne plus penser que : « dans le silence il n’y a rien à écouter. » et pour entendre qu’un coeur vide est un coeur immense et généreux...
Deux textes qui se répondent : le premier d’Ajahn Sumedo, sur le silence, parce qu’on entend bien seulement quand on a fait un peu de silence dans sa tête, et le second une version moderne, poétique du Soutra du Coeur du Maître japonais Ogasawara.
« Dans la vie quotidienne ordinaire, le silence est quelque chose qui n’intéresse personne. On considère plus important de réfléchir, de créer, de faire des choses — autrement dit, de «remplir» le silence. En général nous écoutons un son, de la musique, des paroles mais nous pensons que dans le silence, il n’y a rien à écouter. Quand personne ne sait quoi dire dans une réunion, les gens sont gênés, le silence met mal à l’aise.
Pourtant des concepts comme « silence » et « Vacuité »nous montrent une direction à suivre, une chose à observer, car la vie moderne a fait éclater le silence et a aboli l’espace.
Nous avons créé une société dans laquelle nous sommes sans cesse actifs, nous ne savons pas nous reposer, nous détendre, ni même simplement être. Notre vie est bousculée, notre cerveau brillant s’ingénie à trouver des moyens de nous faciliter la vie et pourtant nous sommes toujours épuisés. Des gadgets sont censés nous faire gagner du temps, nous permettent de tout faire en appuyant simplement sur un bouton, les tâches ennuyeuses sont confiées à des robots et des machines — mais que faisons-nous du temps ainsi gagné?
Il semble que nous ayons toujours besoin de faire quelque chose, de nous agiter, de remplir le silence de bruit et l’espace de formes.
( Ecrit avant les réseaux sociaux, qui semblent souvent être là pour que nous n’ayons plus du tout de silence...même si je suis sur YouTube en ce moment..pour -paradoxe- parler du silence!)
Ajahn Sumedho
LE SOUTRA DE LA GRANDE SAGESSE- une autre version du soutra classique, qui parle « coeur vide »...une autre définition de « vide » : ce qui a la place de tout contenir, l’espace illimité...
Le Vairocana Soutra nous a dit :« Qu'est-ce que l'Eveil ? C’est connaître son propre cœur. Il ne peut être atteint par l’entendement. Il a le caractère de l’espace. C'est la lumière du savoir sans discrimination. »
A la question toute simple : « « L’éveil, c’est quoi ? » « Maître Dogen répond : « C’est tellement vaste et étendu qu'il n'y a aucun autre endroit où aller. » ...
C’est la description de ce coeur vide, ce coeur simple qui voit tout directement sans peur, sans attente, complètement transparent et limpide.
LE SUTRA DE LA GRANDE SAGESSE
Toutes les choses qui ont une forme
vont nécessairement vers leur perte.
Ainsi la fleur, l'homme, le temple.
Quant aux choses qui n'ont pas de forme,
comme le ciel vide et le firmament,
elles sont à jamais hors du monde des destructions.
Le cœur qui a rejeté le monde des formes,
le cœur qui s’est détaché de tout ce qui change,
voila le cœur vide.
Comme le grand ciel bleu,
le cœur vide n’a ni limite ni fin,
il n'augmente ni ne diminue.
Parce qu’il se détache de tous les êtres
de ce monde qui va à sa perte,
il n’hésite pas à vivre sa vie,
il n’a aucune crainte d'échouer,
il est tout simplement à mille lieues de toutes les craintes.
Comme des gouttes de soleil reposant sur de jeunes feuilles
enveloppent et nourrissent le monde alentour,
le cœur vide pardonne et nourrit tous les êtres autour de lui.
C’est une lumière sans limite,
un plaisir sans borne,
un bonheur sans soi.
Cœur simple et plein de joie
Cœur simple qui bat chaleureusement.
Maître Hidemi Ogasawara
« Un bonheur sans soi... » ! moi je veux mon bonheur, je suis même prête parfois à vouloir le bonheur de tous les êtres, mais comment imaginer un bonheur si vaste, si lumineux qu’il m’emplit comme l’espace, sans que je puisse l’attraper pour essayer de le garder ?! C’est peut être l’Eveil, l’Illumination…
Que serait ce bonheur ?
Vous vous souvenez de ce koan ; à une question du disciple sur l’espace, le Maître répond : « Le jour, voir le soleil ; la nuit, voir les étoiles. »
Le moine dit : « Je ne comprends pas »
Et le maître : « Les grandes montagnes se
succèdent bleu sur bleu... »
On peut revoir : Aucun endroit où aller
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