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  • Photo du rédacteurJoshin Sensei

A propos de grains de riz, et de zazen (Notes)

Dernière mise à jour : 26 mars 2023




Donc je reviens au grain de riz dont on a parlé l'autre fois ; pourquoi un grain de riz ? parce qu’on avait cette phrase de Maître Dogen qui nous dit : quand vous regardez profondément- comme dirait Thay- avec un regard juste, vous verrez que ce grain de riz est l'absolu.

On avait commencé à parler de ce monde dans lequel nous vivons qui est à la fois l'absolu, on pourrait dire vacuité aussi bien mais aussi le monde des phénomènes, ce qui fait qu'à la fin, le grain de riz hop ! vous le faites cuire.

Maître Dogen nous incite à bien regarder toujours les deux côtés, à vivre dans un monde complet, si je peux dire ; ça veut dire ne pas rester accroché à l'absolu mais ne pas non plus voir les phénomènes comme existant en soi, séparés les uns des autres, séparés du moi.

Tout cela, absolu et phénomènes, c'est l'univers dans lequel nous baignons, comme le dit le Soutra du coeur de la Grande Sagesse : la forme et le vide est le vide est la forme - et de façon concrète, le regard juste fait voir cela dans un grain de riz.

Comme illustration, j’avais cité cette phrase de maître Dogen extraite de « Instructions pour la cuisine dans les temples zen » où il disait : « En lavant le riz, ôtez le sable que vous trouvez – mais sans perdre un grain de riz. Lorsque vous regardez le riz, voyez le sable en même temps; et en regardant le sable, voyez aussi le riz. Examinez bien les deux... »

Le riz était plein de de petites choses à enlever, des petites pierres, du sable et il montre qu’on a besoin de discrimination – j’aime bien utiliser ce mot parce que il a l'air d'être un mot maudit dans le zen mais pas du tout ! Vous n’allez pas manger le riz avec du sable ou des petites pierres, donc on a besoin dans le quotidien, dans le monde des phénomènes, dans le monde quotidien je préfère, on a besoin de trier, on a besoin de choisir : on va laver le riz et on va garder le riz et on ne va pas garder le sable ; mais en même temps Maître Dogen dit : voyez les deux.



Il y a deux histoires qui illustrent cela.

La première, dans Instructions ...c'est le Supérieur du temple, le Maître bien connu Tozan Ryokan, qui voit le cuisinier- tenzo - en train laver le riz et de trier le riz et le sable, et il lui demande : « Est-ce que vous lavez le sable et triez le riz, ou l'inverse ? ». « Je lave et je jette le riz et le sable ensemble » répond le tenzo. « Mais alors, que mange donc la communauté ? » insiste Tozan. Pour toute réponse le tenzo renverse le seau de riz. Devant son geste, Tozan dit : « Un jour viendra où vous pratiquerez avec un autre maître. »

Là, enfin selon mon interprétation, ce jeune moine, il est encore attrapé par quelque chose : soit par l’envie d’un geste « théâtral » pour bien montrer sa compréhension, soit, et en même temps peut-être, attrapé par l’absolu, la Vacuité, si bien que quand on lui dit, est-ce que finalement tu tries, est-ce que finalement tu fais une discrimination ? Ah non ! pas de discrimination, il jette tout et le Maître voit que, en quelque sorte, il n’est pas cuit, ce jeune moine et il n’est pas « libéré » de son image de soi, ou de sa compréhension ; il comprend qu'il a encore une étape en quelque sorte, et il faut qu'il aille travailler avec un autre Maître.


( et je me demande toujours ce qui se passe après...? pas de repas pour la Communauté?! Des regards noirs vers lui toute la journée ?! ou bien le tenzo doit tout ramasser pendant des heures, grain à grain, le nez dans les phénomènes...?!)

Ça me rappelle un peu, ce tenzo coincé dans la Vacuité, les personnes qui disent mais moi j'arrête zazen, parce que je n’arrive pas à ne pas penser ; persuadés que zazen, c'est l'absolu, c’est seulement la non-pensée, que zazen, c’est la sortie de soi, et si ça ne marche pas, bien sûr parce que c’est impossible, ils jettent tout et arrêtent zazen.

Or "non-pensée" pendant zazen, cela signifie ne pas trier les pensées, ne pas les développer, courir après les pensées agréables, fuir les pensées désagréables...Les pensées arrivent, parce que lorsqu'on est vivant le cerveau "secrète" des pensées, mais on les laisse juste s'élever et disparaître, sans s'y attacher;..ainsi non-pensée et pensée , les deux, sont notre zazen.


A un moment il faut en effet trier le riz et le sable et jeter le sable et et garder le riz ; on va regarder chaque chose, on va voir les phénomènes et on va voir la vacuité. Et au quotidien, on travaille aussi avec les phénomènes. Deuxième exemple : un koan je ne sais plus dans quel recueil ! Là c'est le Supérieur d’un temple qui passe, alors qu’un autre tenzo, alors visiblement plus ancien et plus futé, a renversé quelques grains de riz sur le sol peut-être en transvasant dans la casserole et le maître lui montre les grains de riz et le moine le regarde avec un grand sourire et lui dit : « L’univers est sans limites»...Sous-entendu : ne restez pas dans les phénomènes, juste devant votre nez...peut-être que ces grains de riz sont le début d’une rizière, peut-être qu’ils vont nourrir une famille de souris, peut-être que des oiseaux...

Ne tombez pas ici, ne tombez pas là : lavez le riz, jetez le sable- et pourtant, on lit dans un Nikaya, qu’un jour alors que le Bouddha recueillait des aumônes, un enfant mit une poignée de sable dans son bol, le Bouddha lui annonça qu’il deviendrait un grand roi qui aidera la Sangha...


Dernier koan Recueil de la Falaise Verte :

M° Seppo dit devant l’assemblée des moines : « Quand vous attrapez l’univers entier avec vos doigts, il a la taille d’un grain de riz ; jetez-le devant vous : si vous êtes dans le noir, si vous ne comprenez pas, battez le tambour pour que tout le monde puisse voir. »

Jetez le devant vous… Jetez quoi ? Si vous ne le voyez plus, c’est peut-être qu’il n’y a rien à voir…

Et pourtant, à la fin, il faut aller laver son bol…


et offrir l’encens au Bouddha,

et remercier tous les Maîtres ... Gassho



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