L’Eveil de Ohashi San dans un bordel
- Joshin Sensei
- 22 mars
- 4 min de lecture
" Qui est cela qui fait ce travail " ? C'est le koan que le Maître Hakuin pose à Ohashi san.
Elle s'était vendue elle-même à un bordel pour aider sa famille, devenue trop pauvre après que son père samouraï ait perdu sa position. Elle travaillait comme courtisane, elle est devenue aussi poète et calligraphe, mais elle regrettait toujours sa vie d’avant
Un jour, elle rencontra Hakuin, c'est le grand maître Zen réformateur du XVIIIe siècle qui était très proche de tous les laïques et aussi des gens du peuple, et il lui affirma que l'Eveil était possible dans toutes les circonstances et il lui donna comme koan, « Qui est cela qui fait ce travail ? »
Ohashi San avait une grande peur des éclairs et un jour pendant un orage violent, elle s'assit en zazen sur la véranda du bordel afin de faire face à sa peur. La foudre frappa le sol en face d'elle, elle s'évanouit et quand elle se réveilla, elle vit le monde d'une façon entièrement nouvelle. Hakuin par la suite certifia son Eveil.
« Méditer, ce n'est pas éviter les problèmes ou fuir les difficultés. C'est au contraire trouver la force de les affronter. » La plénitude de l’instant Thich Nath Hanh
Plus tard, elle sera rachetée du bordel par un de ses clients ; ils se marièrent et vers la fin de sa vie, avec la permission de son mari, elle se fit nonne et elle fut célèbre pour sa sagesse et sa compassion.A sa mort, au lieu de faire simplement la tablette funéraire habituelle qu’on pose dans la maison sur l’autel de la famille, son mari fit faire une statue de Kannon, la Boddhisatva de la compassion, avec le visage de Ohashi, San et il en fit don au temple de Hakuin.
Commentaires de Judith Randall Sensei: Ohashi San avait vendu en fait la seule chose qu'elle avait : elle-même, son corps parce que elle avait mis le bien-être ou simplement la survie de sa famille avant elle. Faisant face à sa peur, elle est entré dans une solution impossible à vivre en fait mais sa générosité avait dépassé sa peur.
Évidemment on se demande : qu'est-ce que ça peut être d'avoir cette idée ? Comment est-ce qu'on l'accepte, comment est-ce qu'on la soumet à sa famille et comment on quitte sa famille sachant qu'on ne va pas la revoir... c'est vraiment pratiquer la renonciation, le don absolu et elle était déjà avec cette décision sur le Chemin du bodhisattva à sa propre façon.
Alors la chance, enfin la possibilité, de rencontrer Hakuin, de recevoir son enseignement était très mince. Et puis on disait toujours à l'époque qu’ on ne pouvait être éveillé que dans un corps d'homme.
Mais Hakuin, lui, dit que l’Eveil est possible dans toutes les circonstances et c'est pour ça qu'il lui donne ce koan « qui est cela qui fait ce travail » et ça, c'est encore quelque chose qui peut résonner à nos oreilles- l’Eveil est possible, quelles que soient les circonstances de ma vie.
L’enseignante qui commente cette histoire dit que ce koan l'aide dans son approche du travail qu’elle fait avec des prisonniers pour garder en tête que l’Eveil est possible dans toutes les circonstances.
Elle dit aussi que, quand elle désespère de ce qu'elle lit dans le journal sur les guerres, les tortures, les horreurs du monde, elle se pose ces questions « qui est cette personne dans cette cellule de prison, qui est cette personne qui torture- quelle est cette personne qui vit cette vie là ?... »
Ohashi San, au milieu de sa terreur de des éclairs, abandonne le contrôle sur ce qui va se passer. En fait, elle s'abandonne complètement et au moment de l'éclair, du bruit incroyable de la foudre, elle s'évanouit, et quand elle se réveille, on peut dire que d'une certaine façon, elle est morte à sa vie d’avant.
Quand on peut dire oui à notre plus grande peur, quand on peut accepter de lâcher le contrôle et juste voir ce qui arrive à ce moment-là, c’est un autre monde qui s’ouvre, un monde où l'esprit devient calme, ou le « je » qui a peur, devient un je qui s'efface devant ce qui est.
La vie de cette femme nous dit ne pas avoir peur. Pas parce qu’il n’y a pas de raison d’avoir peur, pas parce qu’on est spécialement courageux.se, mais parce que l’absence de peur, c'est l'acceptation de marcher, d'avancer vers sa peur. Quand je marche dans ma peur, quand je pratique là, quand je m'assois au milieu de cette peur, complètement ouvert.e à l'expérience, sans espoir et sans attente de résultat, tout est possible.
Cette histoire nous dit que même quand les circonstances sont impossibles ou terrifiantes, il y a un chemin. Mais quand nous entrons dans ce chemin, les yeux ouverts, le cœur ouvert, à ce moment-là quelque chose qu’on peut appeler Vérité, lumière, Eveil nous est révélé.
En réalisant notre véritable nature c'est-à-dire notre éveil originel, inhérent, le karma abandonne sa prise sur nous et nous pouvons ainsi voir que, comme le dit Hakuin: « cette terre où nous nous tenons est la terre pure du Lotus et que ce corps même est le corps du Bouddha »
Ohashi san, donc avec le visage de Kanzéon, Avalokiteshvara, le/a bodhisattva de la compassion.
Le Soutra de Kanzéon dit :
Je prends Refuge en Kanzeon Bodhisattva qui écoute et soulage les cris du monde.
Mais si je reprends le Soutra des Refuges de Thich Nath Hanh, je peux dire : Kanzéon prend refuge en moi...
Grâce à Kanzeon nous pouvons voir la vraie lumière du Dharma qui purifie notre vie.
Grâce à Kanzeon, notre cœur est en paix et joyeux.
de l'aube au couchant, nous ne sommes qu'un avec Kanzeon.
Ou bien :
Je prends Refuge en Kanzéon, Kanzéon prend refuge en moi : je peux prendre refuge auprès de toutes ces femmes, jeunes et vieilles, aux vies brisées et pourtant réalisées, et aussi auprès de toutes les personnes qui souffrent dans ce monde, et elles prennent refuge en moi…

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