Première histoire : « Il y a 1200 ans en Chine, un homme d'une quarantaine d'années appelé P'ang Yun entassa tout ce qu'il possédait dans un petit bateau et coula le tout dans le lac Tung T'in. Après cela, nous dit-on, « il vécut comme une feuille au vent ».
Voyez - le dans le petit matin, barbotant au milieu du lac, regardant s'élever du fond de l'eau les dernières bulles. L'air est froid et serein. Le lac un peu brumeux et aussi calme que le ciel. Puis, il se détourne et nage jusqu'à la rive. »
(Suite de la promenade dans LIGHT : léger/lumière. « Journeys of Simplicity » P. Harnden)
Deuxième histoire : « Justine Dalencourt, une Quaker française, fut obligée de quitter sa maison dans l’Oise quand l'armée allemande envahit la France en 1914, mais, auparavant, elle fit son jardin potager, disant: « J'aime mieux qu'ils trouvent quelque chose à manger chez moi, plutôt que d'avoir à voler chez d'autres. »
Voyez-la, agenouillée, plantant la dernière graine. Tapotant le sol humide. Le chaud soleil du printemps. La riche odeur de terre montant vers elle. L'étrange bruit de tonnerre, au loin.
Puis, elle se lève, fait demi-tour et part.
Voyager léger light: à la fois légèreté/lumière.
Imaginez: ne pas être encombré, une façon gracieuse de voyager comme une simple feuille. Maintenant imaginez-en une autre: la lumière par laquelle nous voyageons, la lumière qui montre le chemin. Notre lumière de voyage.
Qu'est-ce que ça veut dire « vivre comme une feuille au vent »? Qu'est-ce que cela voudrait dire faire de notre vie un voyage de simplicité? Un voyage désencombré, sans fouillis, sans confusion – un voyage avec concentration et attention? Un voyage de légèreté et de lumière?
Les Quakers disent qu'une flamme divine brille à l'intérieur de chaque être humain. Chaque être humain. Tous les êtres humains. Est-ce qu'une telle lumière nous rappellerait qu'après avoir volé notre maison, les soldats auront faim? Et pour voir cette Lumière Profonde, en nous-même et dans les autres, faut-il d'abord avoir coulé notre bateau ? » Journeys of Simplicity . P. Harnden
Pour nous, pratiquants de la Voie, la lumière est celle du Bouddhadharma, et l’exemple pourrait être celui de l’ "unsui" : “Nuages et eau” - Bernard Rérolle: « C’est le nom par lequel les moines bouddhistes désignent les jeunes novices pendant les années de formation au monastère. Temps de retraite à l’écart du monde, vie austère, rigoureuse, fervente... élan prometteur et premiers pas vers l’aventure intérieure.
Prise à la lettre, l’expression “nuages et eau” n’éveille guère d’écho dans nos consciences européennes. Mais si l’étymologie nous laisse en panne, tournons-nous du côté de la poésie et nous ne tarderons pas y voir se déployer de vastes gerbes de signification entre ciel et terre. La terre du Japon est très fréquemment couverte de nuages, détrempée de pluies. La langue japonaise procède par accolement de substantifs pour produire des chocs d’images destinés à remplacer de longs raisonnements et le zen a le culte de “l’illumination subite ». B. Rérolle Le Japon du silence et la contemplation du Christ.
Prêtre mariste, il a écrit ce livre après avoir voyagé dans les temples japonais, y avoir médité et partagé la vie des moines. Il y note ceci : « Ce voyage poursuivait un double objectif : la rencontre des moines du bouddhisme Zen d’une part et la rencontre de celui que j’avais à devenir personnellement d’autre part. »
Le voyage d’une vie, le voyage de toute vie...
Le ciel est vaste, sans limites, les nuages y flottent et passent, sans l’ encombrer ; l’eau jaillit de la terre, et chante, et coule, en contournant les obstacles, sans rien emporter avec elle...
Le Bouddha dans les Nikayas : « Ne nous laissons pas engluer dans nos attachements, cela ne ferait qu’exaspérer nos souffrances : ouvrons-nous généreusement à la vérité et à la compassion. »
Imaginez ceci – la barque coulée, le jardin quitté, eau et ciel sans obstacle transposé dans votre vie ? Comment retrouver la même liberté, la même légèreté ?
Qu’est-ce qui fait obstacle ?
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