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Photo du rédacteurJoshin Sensei

UPOSATHA: d'après le Soutra du Filet de Brahma

Dernière mise à jour : 30 sept. 2022

commenté par J.-Pierre Schnetzler ; présentation, conclusion: Joshin Sensei

Historique:

Cette tradition nous vient du Bouddha; elle fut instituée dans les premiers monastères bouddhistes en Inde. Les soirs de pleine lune, les moines et les nonnes récitaient le Vinaya, c'est-à-dire l'ensemble des règles qu'ils avaient reçus le jour de leur ordination.

Ce jour-là, ils pouvaient devant l'assemblée (la Sangha) parler de leurs erreurs et de leurs manquements aux préceptes; cela permettait le retour à un esprit tranquille; par ailleurs, le fait de parler publiquement montrait sa confiance dans la Sangha.

Encore de nos jours dans les monastères bouddhistes, Uposatha est un moment où les fidèles laïcs se rendent dans les temples, les bras chargés d'offrandes pour la communauté des moines et des nonnes. C'est une journée de cérémonie où moines, nonnes et laïcs hommes et femmes récitent des sutras en louant les vertus et les qualités du Bouddha, du Dharma et de la Sangha. Les fidèles laïcs récitent les cinq premiers préceptes. Un enseignement est parfois donné puis vient l'heure de l'assise en silence.

C'est un moment d'introspection et de recueillement qui permet aux quatre communautés de pratiquants de se retrouver et de regarder leurs erreurs et fautes du mois passé.


La cérémonie :

La cérémonie commence par la purification. Chacun des participants offre de l'encens.

Puis, assis en zazen, chacun examine ses actions du mois passé sans culpabilité mais avec lucidité.

Ainsi dit le Sangemon, « Reconnaissance de nos fautes » :

« Toute la souffrance que j'ai causée

aux autres et à moi-même

découle des trois poisons sans origine,

la colère, l'avidité et l'ignorance.

Tout ce mal commis à travers

mon corps, ma parole et mon esprit,

aujourd'hui je le comprends de tout mon coeur ».

Pour les aider à rester dans le chemin juste, le Bouddha a donné aux moines, aux nonnes et aux laïcs, cinq ( ou dix selon les traditions) prescriptions solennelles.

« Les préceptes sont pareils au soleil et à la lune;

Ce sont les perles d'un précieux collier :

ils permettent à des bodhisattvas

nombreux comme des atomes

d'atteindre l'Éveil authentique et parfait.

Quand vous aurez reçu les préceptes et quand vous les observerez

allez donc les transmettre à tous les êtres animés !

Ayez toujours foi dans les préceptes.

Tous les êtres qui ont une conscience

devraient suivre les préceptes des bouddhas.

L'être ordinaire qui les reçoit

accède au niveau des bouddhas.

Il se trouve au niveau de leur grand Éveil;

il est vraiment un enfant des bouddhas.

Que la grande assemblée s'imprègne de respect

et, à la pointe de l'esprit, écoute ma psalmodie »

LES CINQ PRESCRIPTIONS SOLENNELLES

  • L'enfant des bouddhas ne doit pas donner la mort. Il ne doit pas inciter à tuer ni tuer par des moyens détournés. Il ne doit pas fairel'éloge de l'acte de tuer ni s'en réjouir, et il ne doit pas davantage tuer à l'aide de magie. Il ne doit pas réunir les causes de l'acte de tuer, ses circonstances, ses moyens et son résultat, bref, il ne doit tuer aucun être vivant de propos délibéré. Il doit cultiver la bienveillance, la compassion, la piété et l'obéissance à l'égard de tous les êtres animés de sorte que ces qualités l'habitent constamment et qu'il aide habilement tous les êtres. Mais, celui qui se laisse aller jusqu'à prendre plaisir à tuer ce qui vit, celui-là se rend coupable d'une faute extrêmement grave.

Le Bouddha a dit : « Tous tremblent devant le châtiment, tous craignent la mort. Comparant les autres avec soi-même, on ne doit jamais tuer ou être cause de mort». La règle d'or est de ne pas faire à autrui ce que l'on n'aimerait pas qu'il nous fasse. Si le voisin est vu dans la réalité qu'il partage avec nous, celle d´un être humain doté de la nature de Bouddha, il devient possible de cultiver, en ce qui le concerne, des sentiments de bienveillance et de compassion. Il ne suffit plus de s'abstenir de faire du mal, il convient en plus de faire le bien. Pour appliquer cet idéal, il faut s'être changé soi-même, être bienveillant envers soi-même et purifier sa pensée car celui qui prend soin de lui-même prend soin des autres, ainsi que le conseille le Bouddha, car : « Celui qui a sombré dans la boue ne peut pas en retirer un autre ».*


  • L'enfant des bouddhas ne doit pas prendre ce qui ne lui a pas été donné. Il ne doit pas inciter à voler ni voler par des moyens détournés. Il ne doit pas réunir les causes de l'acte de voler, ses circonstances, ses moyens et son résultat. Il ne doit pas voler en s'aidant d'incantations magiques, et moins encore gaspiller les biens des autres, fussent-ils des dieux ou des génies. Il ne doit pas s'emparer délibérément de quelque valeur que ce soit, même d'une aiguille ou d'un brin d´herbe, mais plutôt, cultiver la piété et l'obéissance à l'égard de tous les êtres, car ils sont porteurs de la nature de Bouddha, et les aider constamment à produire des mérites en vue du bonheur. En revanche, celui qui vole les autres se rend coupable d'une faute extrêmement grave.

Il faut voir fonctionner en soi le désir égocentrique de prendre ce dont nous avons besoin ou simplement ce qui nous plaît. C'est la découverte du caractère insatiable du désir qui permet de prendre une distance par rapport à ce qui nous semblait jusque là normal, justifié et vitalement nécessaire. En commençant à se dés-identifier de ce désir, il devient alors possible de prendre en compte l'intérêt d'autrui. L'être en face de nous et ses biens ne sont plus des objets d'appropriation et nous pouvons diriger vers lui, qui nous ressemble, des sentiments altruistes. La culture des sentiments et des actions désintéressés devient possible. Une révolution -pacifique- s'impose, car le bonheur n'est pas produit par la possession mais par le détachement.*

  • L'enfant des Bouddhas ne doit pas avoir une conduite sexuelle incorrecte ni y entraîner les autres. Il ne débauchera pas de propos délibéré quelque individu que ce soit. Il ne doit pas réunir les causes de l'acte impur, ses circonstances, ses moyens et son résultat. Il doit plutôt cultiver l'envie de servir les être et de leur obéir dans le but de les aider et de les sauver tous en ne leur offrant que pureté. En revanche, celui ou celle qui ne pense qu'à s'unir avec n'importe qui sans un instant d'amour et de compassion, celui ou celle-là se rend coupable d'une faute extrêmement grave.

Au-delà du sexe, le précepte concerne tout ce qui est gouverné par les désirs sensuels. Le conseil est de s'abstenir de tout ce qui attache et mène à des comportements excessifs, donc nocifs, pour soi-même et autrui. Cela englobe tous les sens. Le désir sensuel attache, emprisonne et détériore. Une lecture complète du précepte nous permet d'éviter les douleurs et altérations physiques et mentales provenant de l'usage passionné des plaisirs sensuels, dont le sexe n'est que le plus intense. N'oublions pas le sixième sens, le mental qui n'est pas moins gouverné par le désir. La concupiscence mentale portant sur les cinq domaines sensuels en fait partie intégrante, ce qui étend, enjolive, enrichit les attachements sensuels grossiers de subtils aspects mentaux, et les rend plus dangereux encore.*

  • L'enfant des Bouddhas ne doit pas mentir. Il ne doit pas inciter autrui à mentir ni mentir par des moyens détournés. Il ne doit pas réunir les causes du mensonge, ses circonstances, ses moyens et ses résultats. S'il prétend voir ce qu'il ne voit pas et ne pas voir ce qu'il voit, il entraîne son corps et son esprit dans le mensonge de sa parole. Il doit constamment proférer des paroles justes en cultivant la vue juste, car il se trouve à l'origine des paroles et des vues justes de tous les êtres. En revanche, celui qui entraîne les êtres à proférer des paroles fausses, à chérir des vues perverses et à commettre des actes nuisibles, celui ou celle-là se rend coupable d'une faute extrêmement grave.

L'altération de la vérité est sans doute le plus grave des dévoiements de la parole. Si la connaissance juste, la sagesse, est la vertu suprême, et le moyen électif de la libération, on comprend que le mensonge soit la plus pernicieuse des souillures. Celui qui fait passer un intérêt égocentrique avant le respect de la vérité se coupe par là-même de l'efficacité de la sagesse.

Ceci étant, les commentaires précisent que ce précepte traite aussi des paroles agressives, grossières ou inutiles. La répulsion et la haine s'expriment sans doute plus souvent par des mots que par des coups. L'expression est plus facile, moins dangereuse pour l'auteur, et certaines paroles blessent et tuent plus sûrement. Il est nécessaire de surveiller son langage, et de dépister à sa racine toute trace d'ironie blessante, de malveillance subtile, de mépris ou de reproches accusateurs. Cette vision pénétrante en action est la mise en pratique de l'hygiène de base touchant la répulsion. Elle permet aussi la culture de la compassion.

La dernière recommandation est de s'abstenir de discours inutiles. Le plaisir le plus profond que nous tirons du bavardage est sans doute que cet épanchement extérieur nous évite de prendre conscience des besoins, des peurs et des conflits intérieurs, qui sont ainsi agréablement recouverts. Le bavardage, fondé sur l'ignorance, le désir et la haine, protège de la remise en question, comme toutes les distractions visant à camoufler une réalité redoutée. Le noble silence permet la découverte et la cure de ce qu'il met au jour et permet d'affronter les problèmes.*



  • L'enfant des Bouddhas ne doit pas faire commerce de substances enivrantes ni inciter les autres à le faire. Il ne doit pas rassembler les causes de ce commerce, ses circonstances, ses moyens et son résultat. Il ne doit faire commerce d'aucune substances enivrante car ces substances sont l'occasion de maints actes négatifs, alors qu'il doit aider tous les êtres à cultiver la connaissance transcendante, laquelle pénètre de sa clarté toutes choses. En revanche, celui qui trouble l'esprit des êtres se rend coupable d'une faute extrêmement grave.

Si la lucidité est ce qui permet la libération, toute détérioration de cette capacité nous prive de notre bien le plus précieux. La source de cette consommation est la volonté de fuir une angoisse de base dans l'oubli et une euphorie artificielle. Cette peur et ce refus de la vérité mènent à la destruction de la conscience lucide qui fait face à la réalité telle qu'elle est, intérieurement et extérieurement, et non telle que nous la désirons, craignons et imaginons.

Nous constatons la relation circulaire entretenue par la sagesse, la méditation et l'éthique. Car ce précepte s'étend aussi aux domaines mentaux et spirituels, qu'il est destiné à protéger. Cependant il ne peut utilement et longuement s'appliquer s'il n'est pas soutenu par la compréhension des vertus spirituelles de la simplicité lucide et la maîtrise méditative des illusions et des émotions. La sobriété conduit à la simplicité et s'achève dans l'exercice spontané de la sagesse libératrice. *

Prajna et Karuna

En respectant ces prescriptions solennelles, la sagesse lumineuse, Prajna, éclaire peu à peu notre esprit; alors, nous nous ouvrons à Karuna, la compassion, prenant conscience de notre propre souffrance et de celle de tous les êtres.

Poème de Ryokan, moine zen et ermite :

« Oh, puisse mon habit de moine

être assez large

pour rassembler tous les êtres qui souffrent

dans ce monde impermanent... »

C'est par Metta, l'amour bienveillant que nous entrons en contact avec nous-même et les autres.

C'est Metta qui va nous ''envelopper'' pendant cette méditation sur nos actions du mois passé.

Nous contemplons nos actions à la lumière de Prajna et de Metta.

« Ces points bénis par les bouddhas

emportent l'enthousiasme des êtres les plus sublimes.

Je les ai enseignés comme je les ai suivis

en accumulant d'innombrables mérites.

Ces mérites, je les dédie à tous les êtres

pour que nous atteignons l'Éveil suprême tous ensemble.

Que ceux qui ont entendu ces cinq prescriptions solennelles

réalisent l'Éveil parfait. »

* Voies de l'Orient, J.-Pierre Schnetzler – Commentaires sur les préceptes.


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