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Photo du rédacteurJoshin Sensei

Une tranquillité « vivante » dans notre vie

Donc en fait c'est intéressant parce que Katagiri Roshi a tendance à trouver des mots qui vont nous, comment dire, nous aiguillonner ou nous embarrasser ou nous déplaire. Par exemple l'autre fois, il nous disait qu'on était plein de détritus de tout ce qu'on n’avait pas bien digéré. Et puis il nous avait parlé des oripeaux dans lesquels on s’enveloppe Cette fois-ci, ce sont deux mots, mais alors presque le contraire deux mots, riches de possible, mais deux mots qui ne sont pas spécialement populaires, je crois, le premier c'est « foi »et le second c'est « tranquillité ». Ce qui est intéressant c’est qu’il change, qu’il ouvre complètement le sens des mots.


Foi : il a déjà utilisé ce mot, pas dans le sens habituel de « croire » en quelque chose, mais il nous avait dit : « La vraie foi est une confiance totale  » .

Dans un autre passage, il définit la foi autrement : « C’est le processus continu qui consiste à regarder la vérité en toute circonstance. Si l’on ne cesse vraiment pas de regarder la vérité en face, notre vie devient très ouverte, très généreuse. »


Ici, il appelle foi : une absolue tranquillité- mais il change aussi ce mot. Il ne nous dit pas la « tranquillité », c'est très bien, vous faites zazen : vous êtes tranquille alors vous repartez vous êtes tranquille- un petit peu comme si on allait transporté avec nous notre tranquillité- comme le disciple transportait son « rien » la dernière fois : quelque chose de très précieux mais très fragile. Et nous, on porterait notre tranquillité comme une couronne sur notre tête un peu en déséquilibre.

Pas du tout ; il dit la tranquillité doit être avec les personnes . Elle est exactement dans votre vie et cela ne signifie pas partir vivre au cœur de la montagne. Donc c'est le premier point : la tranquillité là où vous êtes, dans les conditions de votre vie.

Le deuxième point c'est qu’ on est bien conscient qu'on a des limites, même si effectivement la méditation va nous aider à repousser un petit peu ces limites mais elles seront quand même là.

Par exemple vous êtes très tranquille, voilà, vous vous êtes assis, et puis il va se passer quelque chose qui va faire éclater cette tranquillité!


Je ne sais pas quoi, peut-être il y a une fête en bas de chez vous, bon, déjà la musique très forte, vous vous rappelez que vous êtes tranquille...un peu en vous y accrochant du bout des doigts, et vous voyez que, plein de gaîté, il y a des personnes qui sautent sur le capot de votre voiture. Bon ça, ça peut faire éclater la tranquillité encore plus vite qu'une bulle de savon… ! Et là on s'aperçoit que cette tranquillité est basée, comme il le dit dans son texte, sur notre petit moi- et que même si on peut repousser les limites, supporter un certain nombre de situations... peut-être que s’il y avait juste la musique, ça irait ; mais au moment où on saute sur le toit de votre voiture...ça ne va plus !

Vous vous souvenez de ce que disait Hartman Roshi : « Ne réagissez pas, répondez ! » Répondre à ce qui se présente, c’est pouvoir le faire avec tranquillité.


Donc je vais lire son texte pour qu’on comprenne bien, avant d’être rebuté par les mots utilisés, la façon dont il les emploie.

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Retour au silence

La foi se dit en japonais jakujo: absolue tranquillité. Jaku signifie qu'il n'y a personne avec qui discuter ; jo veut dire, sérénité ou imperturbabilité. L’imperturbabilité est quelque chose qui s'insinue dans chaque recoin de la vie quotidienne, de la racine des cheveux jusqu'au bout des orteils. La sérénité est quelque chose de vivant, c'est un état dans lequel la vie humaine est toujours prête à s'adapter à toutes les circonstances, puis à agir. Mais s'adapter à toutes les circonstances et agir, ce n'est pas agir de manière incontrôlée. Si notre tête n'est pas imperturbable, nous ne pouvons pas être prêt à l’action. Si le moindre bout d'orteil est dans la confusion, nous ne pouvons pas être prêt. Aussi notre corps tout entier entier doit être imperturbable et tranquille. Il faut en avoir clairement conscience.

Selon M° Dogen, rien ne peut nous persuader, ni nous pousser ou nous forcer à créer la foi.


La foi signifie absolue tranquillité et l'absolue tranquillité est la source de notre nature et de notre existence. Il n'est nécessaire de parler de tranquillité ou de non-tranquillité, ni dans notre vie, ni dans notre zazen. Chacun est déjà parfaitement tranquille. ( Vous ne me croyez pas…? pourrait-il ajouter!)

Nous devons toujours rester conscient que notre nature originelle est parfaitement tranquille parce que la vie quotidienne nous accapare tellement que nous pourrions l'oublier ou l'ignorer. Nous devons avoir confiance en cette tranquillité, rester proche de la nature originelle de la tranquillité. Si nous nous conduisons de manière à laisser surgir l’imperturbabilité, elle apparaît réellement. Si nous ne nous comportons pas ainsi, nous n'avons aucune chance de prendre conscience que nous possédons déjà cette imperturbabilité. Zazen, c'est ajuster exactement notre corps et notre esprit à l'imperturbabilité de sorte que celle-ci jaillisse naturellement. Zazen est absolument identique à la nature originelle de l'existence qui est appelée tranquillité, imperturbabilité.


Tranquillité ne veut pas dire inactivité. En d'autres termes, la tranquillité n'est pas quelque chose qu'on peut conserver en se tenant loin de la société humaine ; ce doit être quelque chose de vivant dans notre vie. Si nous nous isolons complètement de la société humaine, où que nous puissions aller, notre vie ne fonctionne pas. S'en aller vivre au cœur de la montagne semble être un moyen de trouver la tranquillité. Là, il nous semble que nous pouvons maîtriser les choses et les circonstances à notre gré, mais en réalité il n’en est rien. Si notre tranquillité ne s'exprime pas dans notre vie de tous les jours, ce n'est qu'une tranquillité d'isolement, une forme limitée de tranquillité. Par conséquent, nous sommes dans l’impossibilité de la partager. Nous ne voulons que la garder pour nous-mêmes parce qu'elle nous est agréable. Mais c'est juste être une grenouille qui nage dans une petite mare. Ce n'est pas la condition réelle de la vie humaine. La tranquillité doit reposer sur l'inconditionné ; l'inconditionné qui est pureté, joie et paix.

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Il reprend un autre mot « sérénité », quelque chose de toujours vivant, pas une chose fixe, encore une fois pas comme une couronne posée sur notre tête ; pas comme une armure qui pourrait nous protéger et à l'intérieur de cette armure, on serait tranquille parce qu'on se moquerait de tout, non ; il dit quelque chose qui est vivant, un état pour être prêt à s'adapter à toutes les circonstances puis à agir.

J'insiste sur ce terme d'agir, on va on va reparler d'ailleurs la semaine prochaine, parce que ça veut dire qu’on est pas là pour rester flottant quelque part sur notre coussin, puis quittant notre coussin en continuant à flotter en dehors de monde... C’est un état d’être qui nous amène à agir, mais à agir en donnant ce qu'on avait appelé dans le texte sur la violence « la réponse juste », l'appréciation correcte de la situation qui nous permet de donner une réponse appropriée.


Et c'est de ça également qu’il nous parle.

En fait, c'est éviter la confusion. La confusion, c'est quand on n'a plus un regard clair, quand on a un regard sur les choses où tout est mélangé, les choses de l'extérieur, les choses de l'intérieur, les anciennes réactions, toutes nos émotions ; à ce moment-là, quand tout est mélangé, même si le moindre bout d'orteil est dans la confusion, nous ne pouvons pas être prêt à donner cette réponse juste.

Enfin, il dit que ce n'est pas nécessaire de chercher cette tranquillité, ni dans notre vie, ni dans notre zazen, parce que notre nature originelle est déjà parfaitement tranquille ; en fait nous avons à laisser de la place. De la place pour que cette nature originelle, cette tranquillité originelle puisse apparaître. On n'a pas à la « faire » apparaître puisqu'elle est déjà là et que de toute façon, elle est au-delà des possibilités de notre petit moi. Nous avons faire de la place, c'est toujours ça, faire de l'espace dans notre tête et dans notre coeur.

Parce qu’en général, ça se bouscule dans notre tête- nous n’essayons pas de remettre de l’ordre, mais juste faire de l'espace pour laisser ce qu'il appelle la tranquillité profonde- ce que Simone Veil appelait la grâce- pouvoir s'exprimer à travers nous.


Mais comme la vie quotidienne a une façon de nous bousculer dans tous les sens, nous avons tendance à l'oublier ou à l'ignorer, mais la confiance donc que nous avons dans cette tranquillité profonde, cette tranquillité, au-delà des remous et des nuages de notre petit moi, c'est ce qu'il appelle la foi et c'est ça ce qui nous permet de nous adapter à toutes les circonstances, puis d'agir de façon juste.


Il dit que zazen, c'est ajuster notre corps et notre esprit ; j'aime bien ce verbe « ajuster » parce qu'il y a quelque chose de précis, de juste, et vous voyez, quand on sent qu'on est « bien », on n'est pas un peu en avant, on n'est pas un peu en arrière, on est comme le dit toujours cette vieille histoire, comme comme la boîte et son couvercle .

Et lorsqu’on est « ajusté », corps et esprit en zazen, alors il y a la place, l’espace pour que cette tranquillité donc, au sens le plus profond du terme, bien sûr, sérénité, imperturbabilité, puisse apparaître et demeurer.


Et cette tranquillité ne va pas nous amener à nous mettre dans un coin pour ne pas avoir d’échanges avec le monde. J’insiste là dessus parce que c’est une idée très répandue que la méditation est, et entraîne, un repli sur soi. Mais au contraire cette tranquillité doit s'exprimer par l’agir ( ou le non-agir, suivant le cas). Ce n'est pas une forme limitée de tranquillité mais une tranquillité qui se partage. On ne doit pas être comme une grenouille qui nage dans une petite mare, mais on doit laisser cette tranquillité- qui n'est pas la nôtre, qui est la tranquillité inconditionnée, ce qu’il appelle la tranquillité de l’univers- s'exprimer à travers notre vie quotidienne, à travers nos actions.

Elle ne va pas être appuyée sur le petit moi et ses limites mais sur l'inconditionné. Et alors notre vie va porter l'empreinte, et je dirais presque porter témoignage, de l'univers, de l’interdépendance, de tous les dharmas, et pas seulement de notre petit moi.


L’esprit tranquille, le corps droit, nous pouvons garder l’esprit en paix, parce que cette tranquillité réelle, profonde, est le premier cadeau qu’on peut faire face à la souffrance - et à la joie- du monde.





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