Nous allons « reprendre » nos activités, nous allons retrouver les problèmes environnementaux, les catastrophes ecolo. Allons-nous continuer pareil ?
Changer demande de changer nos gestes au quotidien, nos façons de vivre, mais aussi beaucoup plus que cela : changer notre position dominante, notre façon de « voir » le monde, approfondir notre perception de la réalité : un changement spirituel.
Nous changeant nous-mêmes, nous pourrons alors reconnaître la réalité du monde : nous n’en avons jamais été séparé. Le bouddhisme, le Zen peuvent nous aider à changer notre regard.
Textes de Arne Naess, M°Dogen, Aitken Roshi, Trinh Xuan Thuan, Joanna Macy
Changer notre regard avec plaisir :
Dans les questions environnementales, nous devrions essayer de permettre aux personnes de poser des actes beaux en agissant par goût plutôt que par obligation morale. Trop souvent, le mouvement écologiste a donné l’impression qu’il nous fallait faire des sacrifices, nous inquiéter davantage, faire davantage preuve de moralité.
Il me semble que ce dont nous avons besoin, plutôt, c’est de toute la joie qui nait en nous devant le spectacle de la nature, lorsque nous nous ouvrons à la richesse et à la diversité de la vie.
Lorsque nous prenons conscience du lien intime qui nous unit à ce qui est plus grand que notre moi, à ce qui a résisté des millions d’années et doit persister encore des millions d’années, alors tout naturellement, prendre soin de la nature revient à prendre soin de nous, il n’y a plus de différence.
Il nous sera plus facile de changer en approfondissant notre perception de la réalité et de notre véritable « soi », en comprenant notre appartenance à la communauté de tous les êtres vivants. Notre comportement suivra alors sans effort, avec beauté, les règles de l’éthique environnementale.
Voici le regard de M° Dogen : « A ce moment, ( au moment de zazen, de l’Eveil) chaque chose de l’univers dans les dix directions – la boue, la terre, et l’herbe ; les haies, les tuiles et les cailloux – accomplissent le travail de Bouddha…
L’herbe, les arbres, la boue, la terre traversés et guidés par cette influence, tous irradient la grande lumière, et prêchent sans fin le Dharma beau et profond. L’herbe, les arbres, les haies et les murs deviennent capables de prêcher le dharma pour tous les êtres, gens du commun ou bodhisattvas, et de même tous les êtres, gens du commun ou bodhisattvas, prêchent le dharma aux arbres, eux haies, à l’herbe, et aux murs » M° Dogen Bendowa
Prêcher le Dharma c’est-à-dire vivre de façon juste, en harmonie, dans l’ouverture à tout ce qui est.
A ce moment là, il y a une interaction totale entre chaque chose et nous : l’autre est moi-même, qu’il soit montagne, rivière ou caillou...Il n’y a pas de 3ème personne extérieure, mais un je existant ds un nous
Le Cosmos dans le Lotus :
Pour le bouddhisme, le monde est comme un vaste flux d 'événements reliés les uns aux autres et participant tous les uns des autres.
La façon dont nous percevons ce flux en cristallise certains aspects de manière purement illusoire et nous fait croire qu'il s'agit d'entités autonomes dont nous sommes entièrement séparés.
La physique moderne a mise en évidence l'intime connexion de l'homme avec le cosmos. Nous savons aujourd'hui que nous sommes tous faits d'atomes fabriqués lors de l'explosion primordiale d'abord, et lors de l'alchimie nucléaire des étoiles ensuite. Les atomes d'hydrogène et d'hélium qui constituent 98% de la masse totale de la matière ordinaire dans l'univers ont été générés pendant les trois premières minutes de son existence.
Les atomes d'hydrogène dans l'eau des océans ou dans notre corps proviennent tous de cette soupe primordiale.
Nous partageons tous une même généalogie cosmique qui remonte à 13,7 milliards d'années, l'âge de l'univers.
Autre interconnexion découverte par la science : nous sommes tous liés les uns aux autres génétiquement. Nous descendons tous de l'Homo habilis apparu en Afrique il y a environ un million huit cent mille ans, quelles que soient notre ethnie et notre couleur de peau. En remontant assez loin dans le temps, nous devenons tous des cousins éloignés.
Plus étonnant encore : le décodage du génome de l'homme et d'autres espèces vivantes nous révèle que cette convergence d'arbres généalogiques ne concerne pas seulement l'espèce humaine, mais également toutes les autres. Par exemple, nous partageons 99,5% de nos gènes avec les chimpanzés ; si nous pouvions remonter assez loin dans l'arbre généalogique des chimpanzés, nous verrions qu'il se confondrait inévitablement avec le nôtre à un moment donné. Ce qui est vrai pour les chimpanzés l'est aussi pour tous les autres organismes vivants, des dauphins aux rossignols, en passant par les cigales, les grands chênes, les champignons, ou les roses. Nos arbres généalogiques se rejoignent inéluctablement, tôt ou tard, pour n’en former qu'un seul et unique.
Aitken Roshi :
Pourtant nous ne reconnaissons pas cet enseignement du Dharma, ce rayonnement de la Nature de Bouddha, à cause de l’obscurcissement de notre corps-esprit qui nous fait voir l’herbe, les arbres, la terre, les haies et les murs ( et bien sûr les chimpanzés, les cigales, les grands arbres, et les fleurs) comme des « objets ».
Mais les myriades de choses ne peuvent nous apparaître dans leur non-forme, dans leur sans-limite, ou manque de substance propre, que si nous nettoyons le miroir de notre corps-esprit – c’est l’expérience de zazen.
Alors, l’expérience que nous avons du monde en est transformée : « Le monde de la conscience, et le monde de la conscience des objets ne manquent de rien – ces deux mondes sont déjà remplis de la forme concrète de la véritable expérience. Cet état normal de l’expérience, lorsque nous l’avons pénétré, ne permet aucun moment creux. Zazen, même si ce n’est qu’un seul être humain assis pour un seul moment, entre dans une coopération mystique avec tous les dharmas et pénètrent les trois temps, du passé, du présent et du futur. »
Joanna Macy : Lorsque nous passons au-delà de notre vue ordinaire, nous pouvons Penser comme une montagne !
L'humanité est alors perçue comme n'étant que le stade le plus récent de votre existence, et lorsque vous cessez de vous identifier exclusivement à ce moment, vous commencez à
entrer en contact avec vous-même en tant que mammifère, en tant que vertébré, en tant qu'espèce qui n'est sortie que récemment de la forêt tropicale.
Alors, "Je protège la forêt tropicale ", devient " Je suis une partie de la forêt tropicale qui me protège, je suis cette partie de la forêt tropicale qui a récemment accédé à la pensée ". Quel soulagement alors ! Les milliers d'années de séparation que nous imaginions entre elle et nous disparaissent et nous commençons à nous rappeler notre vraie nature. Ce changement est un changement spirituel.
Vivre en paix avec la terre nécessite en effet plus qu’un changement d’habitudes et de façons de faire, cela nécessite un changement spirituel, c’est-à-dire au plus profond de notre perception de nous mêmes :
Le cosmos et le lotus : Nous sommes tous faits de poussières d'étoiles. Frère des bêtes sauvages et cousins des fleurs des champs, nous portons tous en nous l'histoire cosmique. Le simple fait de respirer nous relie à tous les êtres qui ont vécu sur le globe. …
M° Dogen :
« Réaliser toute forme comme son propre corps et esprit, c’est demeurer dans un univers qui est sans limites, un univers qui n’a ni commencement ni fin.
Vous n’avez ni commencement ni fin. Alors comment allez-vous prendre soin des montagnes et des rivières, comme de votre propre corps et esprit, le corps et l’esprit de l’univers ? »
« L’univers entier est le véritable corps humain, le véritable corps humain est l’univers en son entier. ».
Comment allons-nous en prendre soin ?
Il nous faut pratiquer, écosattvas !
Pour retrouver les textes complets et d'autres textes: "Daishin, l'esprit vaste" le bulletin mensuel de la Demeure sans Limites. Ecologie: le N° de l'été 18.
Pour lire le "Daishin, l'esprit vaste" du mois en cours:
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