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Les rencontres de la pleine lune

Photo du rédacteur: Joshin Sensei Joshin Sensei

Ce soir, c’est la pleine lune.Alors, je veux prendre un peu de temps pour expliquer deux traditions de notre Ecole, de toutes les écoles, qui peuvent sembler assez étrangères dans nos vies actuelles, et même difficiles à accepter. Et pourtant ce sont pour moi des sources de renouveau, des moments d’éclaircissement de ma vie.

Elles se déroulent au cours de la cérémonie appelée « Uposatha », à la lune nouvelle et à la pleine lune : au cours de ces soirées, il y a une « reconnaissance de nos erreurs/ fautes  ( difficile de trouver des termes en fr qui ne renvoient pas directement à des termes chrétiens) ; puis la lecture des « Préceptes ».

J’aime bien ce qu’en dit Okumura Roshi : « Les préceptes bouddhistes ne sont pas la «règle du jeu» qu'il faut suivre si vous voulez parvenir à être un bon bouddhiste. » Il ajoute : « Le précepte est un koan, une question qui se pose à nous et dont la réponse apparaît à travers notre mode de vie, nos activités. Pour faire cela nous devons être créatifs et flexibles . » ( je vais revenir sur ce mot « précepte »)

 

Depuis l'époque du Bouddha, il est de tradition que les moines et les nonnes se réunissent deux fois par mois à la lune nouvelle et à la pleine lune. C'étaient des moines et des nonnes errants, donc un peu dispersés au quotidien, et donc c’était important de pouvoir se réunir.Au cours de cette réunion, on relisait toutes les règles monastiques reçues à l’entrée dans la vie monastique. Et chacun, chacune allait parler de ses transgressions ; puis ensemble il y avait une réflexion, des commentaires sur les points les plus difficiles à comprendre de la Doctrine. 

Ces rencontres se sont poursuivies et avec la fondation de temples, ça a été et c'est toujours l'occasion de réunir aussi les laïcs qui viennent avec des fleurs, des offrandes. Et pendant la soirée, plusieurs choses se déroulent. Je parle plus spécifiquement là de mon école, l'école du Soto Zen. 


Tout d’abord, avant la méditation, il y a une « contemplation », ce moment où chacun réfléchit sur les actes, on va dire « néfastes », les actes qui ont entraîné de la souffrance, ou mis des graines de souffrance, pour soi ou les autres au cours des 15 jours passés.

On y réfléchit, on les regarde, mais je dirais, le faire avec compassion ; c’est le plus important, ce n'est pas un jugement, ce n'est pas être dur avec soi-même et c’est de toute importance.

On va regarder, parce que si on ne regarde pas, on va répéter les mêmes actes négatifs encore et encore ; donc on va regarder en face les actes qui ont pu apporter de la souffrance, à travers nos actions, à travers nos paroles mais aussi à travers nos pensées. 


Et on va réciter un court texte, un « gatha ». 

Kobun Chino Roshi disait : « Ce gatha n'est pas une confession de ses faiblesses personnelles; lorsque l'on comprend l'interconnexion de toutes les choses, nous prenons la responsabilité totale de tout ce qui est « akusala » - mal, au sens de ce qui porte les graines des souffrances futures. 

Ce n'est pas ressentir la honte, la culpabilité, mais plutôt un travail du coeur, une reconnaissance du voyage de chacun dans le Samsara. »

Toute la souffrance que j'ai causée

aux autres et à moi-même

découle des trois poisons sans origine,

la colère, l'avidité et l'ignorance.

Tout ce mal commis à travers

mon corps, ma parole et mon esprit,

aujourd'hui je le comprends et le regrette de tout mon coeur 


Cela va permettre en quelque sorte d’éclaircir les choses. Ces actes ne sont pas oubliés, mais vus, reconnus, acceptés- Parce qu’on navigue la plupart du temps entre deux extrêmes : «  je suis nul.le » ou bien « non, je ne blesse personne… ! »

On a parfois du mal à accepter que notre conduite puisse blesser les autres  On peut essayer donc, encore une fois peut -être, de ne plus, sinon ne plus recommencer, ce qui pour certaines grandes structures en nous est difficile, mais en tout cas, essayer de prêter attention à à nos actes, à nos pensées, à nos paroles, et considérer leurs conséquences pour nous et pour les autres.

C’est la première partie de Uposatha.


Et ensuite on va lire les préceptes. 

Je sais pas si « précepte » c'est un mot approprié. J’ai regardé des traductions, un dico de synonymes, j’ai trouvé : «  règle morale, principe, instruction » J’aime bien ce dernier mot. Parce que moi, au départ j'étais assez... pas hostile, mais j'avais du mal à comprendre. Je les voyais comme des interdictions en fait, et ça, c'était vraiment une compréhension très superficielle, très fausse. 

Je croyais qu’on me disait : pas faire ça, pas faire ça- difficile pour qqn de ma génération !

Et petit à petit, je me suis aperçue, on s'aperçoit qu’ en fait, ce sont des aides, comme des panneaux sur un chemin, parce que, si on décide d'aller dans une direction, une direction qui va vers, pour dire vite, la compassion, la sagesse, l'attention aux autres et à soi-même, alors nous avons besoin de connaître les chemins à éviter...les choses qu'il faut éviter de faire et puis les choses qu'il faut plutôt faire.

Donc, ces préceptes/ instructions, il y a deux façons de les lire, d'une part ne pas faire, par exemple ne pas tuer, et puis d'une façon plus positive, qui est souvent préférée dans notre société actuelle, ce serait par exemple chérir toute vie . 


Arrivé là, on voit que le problème de ces préceptes- ou instructions-, c'est que dans toute leur simplicité, comme « ne pas tuer « en fait, on ne sait pas comment les appliquer dans notre vie- ni même si cela est possible.

Bien sûr, je comprends « ne pas tuer », mais où est-ce que je mets la limite ? Qu'est-ce que je fais si les souris envahissent le temple ? Qu'est-ce que je fais par rapport aux doryphores qui mangent les pommes de terre. Je dois me poser la question, bien sûr. Et puis je peux me mettre à imaginer : si il y a un terroriste, si il y a la guerre...Et ça, ça va rester une question sans réponse justement parce que c'est juste une question imaginaire. Je dois chercher ce que je vais faire avec ce qui est là, devant moi.

Okumura Roshi: «  Le précepte est un koan, une question qui se pose à nous et dont la réponse apparaît à travers notre mode de vie, nos activités...” - Pas de réponse imaginaire, donc, mais concrète et adaptée- du mieux possible !

Donc loin d'être une interdiction qui viendrait de l'extérieur en fait, le précepte c'est quelque chose que petit à petit, on va comprendre et suivre – du mieux possible-de l'Intérieur. On va le remplir en quelque sorte. Parce que là aussi, on a compris notre interconnexion avec tous les êtres et la responsabilité qu'on a envers nous même, le monde et tout ce qui existe. 

Aujourd’hui, « ne pas tuer », selon certains bouddhistes, par ex TNH, cela fait réf. aussi à la Terre, à la façon dont nous abîmons et détruisons le monde.


`Voici ce que dit un enseignant américain, Lin Jensen Sensei: 

« Pour un bouddhiste du Zen, un précepte éthique est une question qui doit être examinée à la lumière des circonstances, une investigation (réflexion, recherche, pas une application rigide, qui de toute façon est impossible. Être créatif!) plutôt qu’une réponse toute faite.

Et la nature de cette investigation n’est pas tant essayer d’imaginer ce qu’il conviendrait de faire que de se mettre à l’écoute de son propre cœur. Après tout, c’est de ce cœur même que les préceptes sont sortis un jour. ( La base des préceptes, c’est la compassion)

A l’heure du choix, c’est, avant toute autre autorité, en ce cœur originel- notre nature véritable ( le Vrai Soi)- que le pratiquant du bouddhisme Zen place sa confiance. » 

 

 Dans notre Ecole, nous recevons dix préceptes./instructions/guides. J’ai choisi pour lire les préceptes aujourd’hui tels qu’ils ont été écrits par Kobun Chino Roshi qui nous donne les deux côtés : « ne pas » et le côté positif.


- Je fais le vœu de chérir la vie, de ne pas tuer 

- je fais le vœu d'accepter ce que je reçois et de ne pas voler 

- je fais le vœu de respecter les autres et de ne pas les abuser sexuellement ( cela inclut harcèlement moral, violence psychologique)

- je fais le vœu de pratiquer la vérité et l’honnêteté, de ne pas mentir 

- je fais le vœu de pratiquer la clarté de coeur et d'esprit, de ne pas intoxiquer mon corps ou mon esprit ni ceux des autres 

- Je fais le vœu de parler avec douceur et de ne pas blesser par mes paroles 

- je fais le vœu de pratiquer la modestie, de ne pas me mettre en avant aux dépens des autres 

- je fais le vœu de pratiquer la générosité et de ne pas être possessif des êtres ou des choses 

- je fais le vœu de pratiquer l'amour et la gentillesse aimante et de ne pas garder de malveillance ou de rancune envers quelqu'un 

- je fais le vœu de prendre soin et de choyer les Trois Trésors 


Lin Jensen Sensei conclut :

« C’est ici que le cœur se dévoile et que s’exprime la compassion inhérente à chacun. Nous cessons de rechercher notre bonheur personnel aux dépens d’autrui parce que nous comprenons que la souffrance des autres est également notre souffrance et que notre bonheur est indissociable de celui des autres.

Cette ouverture du moi, c’est ce qu’on entend par plénitude : c’est ce que nous sommes réellement lorsque la source vive de la compassion jaillit en nous, abreuvant les déserts de la méfiance et de la discorde d’un amour qui ne peut être détourné. »


Ma conclusion :

C'est par metta, l'amour bienveillant que nous entrons en contact avec nous-même et les autres.

Tout au long de ces soirées d’Uposatha c'est metta qui va nous ''envelopper'' ( tout comme nous sommes « enveloppés » dans les vêtements du bouddha, Robe, okesa, rakusu) pendant cette méditation sur nos actions du mois passé.

Nous contemplons nos actions à la lumière de prajna et de metta.

Nous entrons dans les préceptes le coeur tourné vers metta ; à la fin de la soirée, nous nous asseyons en zazen, illumination silencieuse, à la lumière de metta.



Sur le plan pratique 

Vous pouvez retrouver ce texte dans le blog de nous asseoir ensemble : https://www.nousasseoirensemble.org/blog


Pour participer aux soirées d’Uposatha, qui se font SANS écran, Sans Internet, chacun.e chez soi, dans un dojo, sur la plage...juste la force du Dharma qui nous réunit, et savoir que d’autres personnes seront là, en unité avec nous.


Pour cela je fais tous les mois un tableau Framadate – le lien sur le site https://www.nousasseoirensemble.org/

pour que nous puissions nous inscrire -( un prénom, un pseudo) pour renforcer notre résolution, et montrer notre présence.


A ce soir, ou un autre Uposatha...


Okumura Roshi : Vivre par vœu. éd. Sully




 
 
 

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