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L’espérance en mouvement 

Comme on l’a vu ces dernières semaines, quand on regarde l’état du monde, on peut se sentir découragé.e… Pour se ré-encourager, j’ai trouvé cette belle expression de Joanna Macy Roshi : « L’espérance en mouvement ».


Je voulais parler d’elle aujourd’hui, car j’ai lu la plupart de ses livres, et j’ai cité ici plusieurs de ses textes, dont celui ci il y a quelques année. Elle est morte il y a une semaine. Je voudrais lui rendre hommage aujourd’hui à travers un passage de son livre ( en français)  : L'espérance en mouvement : Comment faire face au triste état de notre monde sans devenir fou »


Elle se disait « amoureuse du monde », et elle a posé les bases de l’écologie spirituelle. Dans ce livre, elle nous parle de changement, de ce que nous aimerions voir changer dans le monde.  

Elle fait de façon fine la différence entre l’espoir : là où nous pensons possible de réaliser un changement, on a un but qui paraît atteignable ; mais si ce changement nous paraît impossible à faire advenir, alors, découragés, nous ne faisons rien.

En face de cela, ce qu’elle nomme « l’espérance en mouvement » : nous agissons pour faire advenir notre vision, sans nous décourager devant le fait que peut-être nous ne verrons pas la réalisation de notre aspiration, du monde meilleur vers lequel nous tendons.

Je trouve que c’est important de prendre conscience de cette différenciation : est-ce que nous sommes seulement prêts à bouger pour un but réalisable ? Ou bien prêts à entrer dans une vision plus vaste ? Première question avec macy Roshi.


La question suivante est : quel est le déclic qui va nous mettre en chemin ? Qui va faire que ce qu’on acceptait, ou non, pas vraiment accepter, mais qui était là, et on ne faisait rien, un jour devient inacceptable ? Là, j’ai choisi un texte bien différent, un passage du livre de la philosophe Cynthia Fleury, «  La clinique de la dignité » qui me semble bien conclure les paroles de Joanna Macy Roshi.


Point de départ- assez exigeant : Macy Roshi nous dit: « Quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous pouvons choisir notre réponse. » C’est parfois difficile à entendre parce que penser que nous n’avons pas le choix nous évite de nous mettre en chemin !

Pourtant, c’est indiscutable : ce ne sont pas les situations qui font les différences dans notre vie, nous ne pouvons pas toujours, pas souvent, les choisir, mais nos réponses à ces situations.

« Confrontés aux défis qui nous dépassent, nous pourrions penser que nos actions comptent pour pas grand-chose. Pourtant le genre de réponse que nous donnons et l’intensité de l’engagement dans nos actions, dépendent de la façon dont nous envisageons l’espérance.

Par exemple, on peut être profondément inquiet de l’état du monde, horrifié.e par ce qui se passe, tant au niveau des guerres que de la destruction des espèces animales et de la terre. Et se dire : « À quoi bon si ce que je fais ne peut pas changer la direction dans laquelle nous sommes engagés ? »

Mais, insiste-t-elle, nous devons garder « l’espérance »


Elle poursuit : «  Le mot espérance a deux significations très différentes.

La première signification repose sur l’espoir, quand il semble tout à fait possible que le résultat attendu se réalise. ( ça paraît bien, on va faire qqc avec l’espoir que oui, le changement va arriver)

Mais si nous avons besoin de ce genre d’espoir avant de nous engager dans une action, dans les domaines où nous n’évaluons pas nos chances de réussite de façon positive, nous ne donnerons pas de réponses.

( Si on se dit, non, ça ne va pas faire bouger les choses, on ne voit aucune raison d’essayer d’intervenir. Donc on se désespère mais on ne fait rien.)

La seconde signification touche à l’aspiration.

( A quoi aspire-t-on ? Dans quel monde aspirons-nous de vivre?)

Quand on se demande vraiment ce qu’on aimerait voir se passer dans notre monde, on peut décrire l’avenir auquel on aspire ; on n’est pas sûr du tout de pouvoir le réaliser, mais on décide de faire le premier pas quand même.

C’est par cette sorte d’espérance que commence notre voyage – définir notre espérance et savoir ce que nous aimerions profondément qu’il arrive.

Toute la différence est entre l’espoir passif, c’est attendre l’intervention de l’extérieur pour que nos désirs se réalisent, et l’espérance en mouvement, c’est à dire participer à l’action pour réaliser cet espoir- cette vision, cette aspiration, même si on sait qu’on n’en verra probablement pas la fin.

« L’espérance en mouvement est une pratique. Comme le taï-chi ou le jardinage, c’est quelque chose que l’on fait et non pas que l’on a d’avance »


Donc : «  Allez-y » ! comme nous disait Katagiri Roshi, mettons nous en mouvement avec espérance si nous voulons vraiment changer les choses, sans attendre que le monde accomplisse nos rêves ou nos désirs et devienne comme nous le souhaitons.

Et j’ai encore en tête les paroles de Katagiri Roshi : «  Originellement, nous sommes paix » parce que pour moi les deux textes se croisent : il n’y a pas de respect et d’amour pour le vivant, la terre et tous les êtres sensibles, sans la paix véritable ; et il n’y a pas de paix véritable sans respect et amour pour le vivant, la terre et tous les êtres sensibles.


Pour moi ces deux textes sont complémentaires, il parle de la même chose : vivre dans la paix et prendre soin de tous les vivants et de tout ce qui nous permet de vivre.

Donc, on va d’abord poser ce qu’on souhaite, quelle est notre aspiration pour notre vie et pour le monde, et puis entrer dans un processus décrit ainsi par J. Macy  Roshi :


« C’est un processus que nous pouvons utiliser dans n’importe quelle situation et qui implique trois actions principales. Premièrement, prendre conscience de la réalité, telle qu’elle est ; deuxièmement, identifier ce vers quoi nous souhaitons aller et exprimer les valeurs qui nous tiennent à cœur ; troisièmement, nous mettre à suivre cette direction, et s’adapter à la situation présente.

(S’adapter c’est un mot important car il dit à la fois que nous sommes en mouvement mais de façon réaliste, avec les choses vues avec un regard clair)


« Puisque l’espérance en mouvement ne requiert pas notre optimisme, ( juste une vue claire et une décision) nous pouvons même l’appliquer dans des domaines que nous considérons sans espoir.

 La force motrice est l’intention : nous choisissons ce que nous voulons susciter ou exprimer, ou bien le rôle que nous voulons jouer dans le monde.

Nous ne le faisons pas de façon comptable, en mesurant nos chances de réussite ce qui nous amènerait à agir seulement lorsque nous avons de l’espoir de la réussite, mais nous nous concentrons sur notre intention et nous la prenons comme guide. »

L’intention, c’est la règle de base dans le bouddhisme : c’est la deuxième branche de l’Octuple Sentier, ( après la Vue Juste) « intention juste » qui a 3 côtés : l’intention de renoncement, l’intention de bienveillance et l’intention de ne pas blesser.

En nous basant sur cette intention de bienveillance, nous pouvons décider, agir, et nous mettre en mouvement.


Mais comment se mettre en chemin ? Quand nous engageons-nous ?

Voilà ce que dit de façon très réaliste, Cynthia Fleury :

« Aussi longtemps que le fardeau du changement peut être assumé par un autre, la personne aura tendance à déléguer sa responsabilité à autrui.

S'il est aisé d'identifier les raisons du changement, il est en revanche extrêmement complexe de définir à l'avance, la nature de tel ou tel déclic, ce qui sera désormais considéré comme inacceptable, alors qu'à l'instant t-1 la chose était encore jugée possible.

Telle est la complexité des temporalités humaines, qu'elle soient individuelles ou collectives : il ne faut qu'une seconde pour changer, mais il faut parfois une vie pour produire cette seconde. »


Regardons un peu : comment produire cette seconde ? Comment quitter notre palais pour suivre notre aspiration ? Comment suivre le Bouddha vers l’arbre mort au bord de la route ?

Un pas, un pas, un pas, et nous changeons le monde. Nous ne le verrons pas ce monde? Et alors ? Nous gardons notre espérance en mouvement.

« Dans le bouddhisme, disait Macy Roshi, il n'y a pas de mot pour désigner l'espoir, parce que l'espoir nous éloigne du moment présent. Le moment présent, aussi bref soit-il, est un cadeau, un choix qui s'offre à nous. »

Ce choix de l’espérance en mouvement pour une paix véritable, à chaque instant devant nous...


Joanna Macy, Chris Johnstone «  L'espérance en mouvement : Comment faire face au triste état de notre monde sans devenir fou » . Labor et Fides



Cynthia Fleury : La clinique de la dignité Essais Points


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