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Photo du rédacteurJoshin Sensei

Là où nous vivons

Bien que pauvre, jamais pauvre

Bien que malade, jamais malade

Bien que vieillissant, jamais vieillissant

Bien que mourant, jamais mourant

  • la réalité avant la division

là où la profondeur est illimitée


Ce texte d’Uchiyama Roshi est un texte sur lequel je reviens sans cesse ; il peut sembler assez contradictoire à première vue.

Dans l'"Essence du Zen" , Harada dit que : « Nous pensons notre vie comme «  à nous », alors qu'en fait elle ne peut pas être séparée de l'univers.

« Cette chose » que vous pensez être vous même n’est ni vous ni personne, ce n’est absolument rien ; elle est tout et égale à toute chose. »


Cette idée que notre vie ne puisse pas être séparée de l'univers peut être surprenante mais évidente quand on la regarde d’un peu plus près : ma vie est basée sur, bien sûr, l'air que je respire qui est « le cadeau », entre guillemets, de l'univers » ; elle est basée sur le soleil, la pluie, le vent, tout ce que je reçois aussi bien au niveau de l'extérieur, si je peux dire, du corps, de ma peau qui a besoin du soleil par exemple, et puis aussi bien au niveau de l'intérieur, où j’ai besoin de l'air, de nourriture etc. J'ai trop tendance à me penser un « moi » seul, alors que ma vie est en fait une création, si je peux dire, de l’univers en son entier.


Harada Roshi nous a dit :« L'univers en son entier  n'est pas une abstraction. C'est l'immensité intime au soi. Comme un immense miroir lumineux, le soi fait un tout avec tout l'univers en son entier, sans distinguer le bon du mauvais. »


Tout l'univers, moi compris donc ! est déjà là, par conséquent, ce n'est pas quelque chose que nous avons à rejoindre ou même que nous pourrions rejoindre en utilisant zazen puisque nous sommes englobés, et de fait, notre zazen aussi, dans ce « tout l’univers ».

Alors , je reviens à « la réalité avant la séparation »-- la séparation- illusoire, forcémlent illusoire- que je vis souvent entre ce que j’appelle »moi », et ce que j’appelle « l’extérieur », le monde, l’air, les autres etc.

Je voudrais expliquer ce texte, « la réalité avant la division », cette vie qui ne peut être séparée de l’univers, par une image qui est très présente dans tout le bouddhisme : la tapisserie de notre vie.


Vous voyez un métier à tisser : tendu sur le cadre, il y a d’abord les fils verticaux, ce sont les fils de chaîne. Dans cette omùage, il y en a des milliards et des milliards, ce sont les fils de tous les « dharmas », de tout ce qui existe dans l’univers, de tous les êtres, de toutes les choses y compris les émotions, les joies et les peines... C’est ce que le Bouddha appelle la Réalité, avec « R ».Et puis à travers ces fils de chaîne passent et repassent les fils de trame : c’est notre vie. La vie de l’univers et la notre vont s’entrecroiser - passant sous deux fils, puis au-dessus de quatre autres, puis à nouveau au-dessous : un dessin unique qui va apparaître pour chaque vie.Et à chaque instant, la chaîne- le moi véritable, la vie universelle, va toucher la trame, le « petit » moi, et ma vie se vit exactement là, à l’intersection de la vie de l’univers et de ce petit moi.


Je ne suis pas la vie de l’univers, mais je ne suis pas non plus ce que j’appelle moi, ce moi qui naît et meurt, mais je vis au croisement de l’immensité sans naissance, sans mort et sans forme et de l’éphémère qui a pris forme : ma vie, instant après instant, rejoint les deux- et c’est notre petit moi qui dessine la trame de sa vie.La trame n’existerait pas sans le support de la chaîne, de tout l’univers ; et la chaîne donne forme à la trame- mais nous laisse choisir par où nous passons et repassons…


Et ainsi notre vie s’entremêle à toutes les autres, à tout ce qui se présente devant nous. Notre vie unique, précieuse, tout comme l’est celle de tous les autres fils de trame qui nous accompagnent et forment les dessins, parfois colorés, parfois tristes, de la grande vie de l’univers...zazen, la méditation, c’est prendre conscience de cette réalité, c'est la manifestation totale du monde humain, de tous les mondes. C’est la compréhension profonde, prajna, de la réalité de notre vie, immense et mesurée à la fois, unique mais vécue en relation avec tout ce qui existe.

 

Joan Sutherland Roshi, enseignante bouddhiste, parle ainsi de ce moment où nous prenons conscience de cette immensité de notre vie, la méditation :

« Nous nous asseyons, et nous nous rassemblons. (...) Nous faisons une offrande de nous- même. Nous annonçons notre aspiration pour la rencontre la plus profonde, celle entre l’immensité et l’individuel, entre ce qui est sans forme et ce qui existe comme forme. Nous nous trouvons là où ces deux grandes réalités peuvent se rencontrer, se mélanger, et créer quelque chose de nouveau ».


Mais bien sûr, ceci, ponctuellement, je le perds de vue, je vois mon moi comme coupé, séparé et à ce moment-là, il y a, je pense, une souffrance qui est liée à cette séparation et qui me pousse à une forme de recherche incessante, d’avidité sans objet ; je ressens un manque indéfinissable qui se résout lorsque, assise donc sur un coussin, sur une chaise ou sous un arbre, je me retrouve dans ce « tout l'univers » qui inclut à la fois cet univers sans limite et ce petit moi qui ne sont pas séparés.

 

Alors oui, il y a maladie et mort, mais il y a aussi non-maladie et non-mort lorsque je suis dans cette réalité antérieure à toute division :

Bien que malade, jamais malade

Bien que vieillissant, jamais vieillissant

Bien que mourant, jamais mourant


Cette réalité, dit Uchiyama Roshi est la vie du bouddha. Juste vivre  juste mourir, là où il n'y a ni naissance ni mort ; être là au croisement de l’immensité sans naissance, sans mort et sans forme et de l’éphémère qui a pris forme. 


A travers les fils de chaîne passe et repasse le fil de trame de notre vie. La vie de l’univers et la notre vont s’entrecroiser -et notre vie, unique, précieuse, se vit exactement là, à l’intersection de la vie de l’univers et de ce petit moi.


C’est là où nous vivons, où nous avons toujours vécu, dans la tapisserie illimitée qu’est notre vie - nous ne sommes jamais séparés.




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