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Photo du rédacteurJoshin Sensei

Et Ananda pleura...

Ananda représente le bodhisattva qui prend soin du Bouddha, qui est toujours auprès de lui. Dans le Parinirvana Sutta, il y a beaucoup de passages très concrets, décrivant le soin d’Ananda, et aussi des passages parlant du corps, du corps fatigué, mourant du bouddha. «Le Bouddha marcha vers le pied d’un arbre et dit: "Ananda, plie donc un vêtement en quatre pour moi: je suis fatigué et je souhaite m’asseoir." "Très bien, Maître", dit Ananda et c’est ce qu’il fit.» Les gestes d’Ananda sont détaillés : «Il s’approcha du Bouddha, le salua, s’assit jambes repliées sur le côté et lui posa la question.». Le corps est très présent tout au long de ce sutra, ici dans la posture d’Ananda mais aussi dans les souffrances physiques du Bouddha.

Ananda organise, reçoit les personnes. A la fin du sutra le Bouddha décrira les 4 qualités d’Ananda.

Le sutra est construit sur les échanges entre le Bouddha et Ananda qui permettent d’expliquer et de répondre aux questions.

Malgré sa maladie, le Bouddha a essayé d'enseigner à Ananda comment comprendre le départ du Bouddha.

Une première fois, alors qu’ils se trouvaient dans le bosquet près de la modeste ville de Kushinagara. Un vieux disciple de confiance se tenait devant le Bouddha, l'éventant, lorsque le Bouddha lui demanda fermement de s'écarter. Cela semblait à Ananda une curieuse instruction, et il s'enquit aussitôt : Pourquoi le maître a-t-il souhaité que cet homme de bien se tienne à l'écart ? Le Bouddha lui expliqua : "En grand nombre, Ananda, sont les dieux des dix mondes réunis pour contempler le Tathagata Et ces dieux, Ananda, murmurent : "Cet éminent frère se tient devant le Tathagata, le dissimulant".

Ananda est entré plus profondément dans le piège de l'enseignement tendu par le Bouddha. Il demanda quels sortes de dieux.

"Il y a des dieux, Ananda, dans le ciel, mais encore mondains, qui ébouriffent leurs cheveux et pleurent, qui étendent leurs bras et pleurent, qui tombent prostrés sur le sol et se roulent en avant et en arrière dans l'angoisse à la pensée : "Trop tôt le Bienheureux va mourir ! Bientôt la lumière du monde disparaîtra". Mais les dieux qui sont libérés de la passion restent calmes et possédés d'eux-mêmes, conscients de l’Enseignement: "Les choses impermanentes sont toutes des choses composantes".

Trop tôt ! Le cri du coeur que nous avons souvent devant la mort...

Ananda a le choix devant lui. Ce n’est pas facile : si même au ciel, il y a de la peine...

Quelques jours passent, et un matin le Bouddha ne le voit pas près de lui, et demande : "Où est Ananda ?"

Près d’un bâtiment, à une certaine distance du bosquet, Ananda est appuyé contre le montant de la porte, en pleurant.

Le texte ancien nous donne ses pensées : "Hélas ! Je reste mais je suis toujours un disciple, en train d’apprendre, qui n'a pas encore atteint sa propre Illumination. Et le Maître est sur le point de me quitter, lui qui est si généreux! »

Le Bouddha demande à un disciple : "Va maintenant, , appelle Ananda en mon nom, et dis-lui : " Compagnon Ananda, le Maître t'appelle."

Ayant entendu ce message, Ananda retourna auprès du Bouddha, où il s'inclina et "prit place respectueusement". Le Bouddha le réconforte : "Ananda ! Ne te laisse pas troubler, ne pleure pas ! Net'ai-je pas déjà dit que c'est dans la nature même de toutes les choses qui nous sont les plus proches et les plus chères que nous devons nous séparer d'elles, les quitter, nous en séparer ? Depuis longtemps, Ananda, tu es très proche de moi par des pensées d'amour qui ne varient jamais et qui sont au-delà de toute mesure. Tu t’es bien comporté Ananda ! Maintenant, continue tes efforts, et tu seras bientôt libérée des grands maux et de la souffrance"

Parce qu’ Ananda n'est pas le disciple le plus avancé, pas un arhat qui avait pleinement compris la Voie du Bouddha et devenu, comme le Maître, Eveillé.

Ananda n'a pas fini de se débattre... Il essaye de négocier avec le Bouddha : "Mais "dit-il au Bienheureux, la petite ville près de ce bosquet n'a rien de spécial. Il semble inapproprié que le Bienheureux meure ici. Ne serait-il pas plus logique d'attendre d'atteindre l'une des grandes villes du royaume, Kampa ou Kosambi ou Bénarès, pour que les prêtres, les nobles et les croyants locaux lui rendent les honneurs funéraires appropriés ? « La réponse du Bouddha nous rappelle qu'il était autrefois un prince et bien instruit. Il fait remarquer que Kushinara n'est peut-être pas grand aujourd'hui, mais qu'il a une histoire illustre pleinement digne de l'événement qui lui est maintenant imposé. Ananda se tait...

Le Bouddha a continué à enseigner, bien que sa dernière maladie soit arrivée. Reprenant son rôle de gardien, Ananda arrangea astucieusement les choses pour épargner l'énergie de son maître.

Mais le moment est venu d’accepter ce que le Sutta évoque comme un abandon successif des cadres perceptifs jusqu'à ce que le Bouddha semble avoir disparu, complètement disparu – à ce moment-là, Ananda se tourne vers un compagnon plus âgé : " O Anuruddha, le Bienheureux est mort !" Il n'est pas dans la doctrine, ni contraint par un code d'attitude ; il parle avec son cœur, mais aussi avec l’ignorance qui voile encore ce coeur.

Le disciple le plus âgé ne corrige pas son attitude mais sa pensée : "Non, Ananda, le Bienheureux n'est pas mort. Il est entré dans cet état où tant les sensations que les idées ont cessé d'être".

Le Bouddha continue le voyage entre les niveaux de non-perception jusqu'à ce qu'il atteigne "le dernier stade de la méditation profonde" et qu'il expire. La terre a tremblé, le tonnerre a roulé dans les cieux. Ainsi parle Ananda :

Puis il y a eu la terreur !

Puis les cheveux se sont dressés sur la tête !

Quand lui, doté de toutes les grâces,

Le Bouddha suprême, mort !

Il y a ceux qui pleurent sur la terre et dans le ciel, les moines qui restaient calmes, et ceux qui s’écrient « Trop tôt l’Oeil du monde a disparu... » et ceux qui se renferment sur leur chagrin.

Anuruddha, cet ancien disciple, rappelle les disciples à l'ordre, redit les Enseignements du maître et la paix s'installe progressivement sur le bosquet.

Lui et Ananda "passèrent le reste de la nuit à discuter du Dharma"


Mes remarques : Il est surprenant qu’Ananda, le plus proche disciple, soit celui qui n’a pas encore atteint l’Illumination !

J’y vois deux raisons possibles : l’une est la technique narrative que cela permet : il pose des questions au bouddha, le Bouddha lui répond longuement, et nous aussi nous profitons de ces enseignements.

D’autre, part, et là, c’est peut être une lecture moderne, il me semble que c’est l’amour même qu’ Ananda porte au Bouddha qui fait obstacle. Nous comprenons bien que lorsque nous aimons une personne nous souhaitons la garder : c’est l’amour humain, l’amour avec attachement. C’est une illustration des 4 Nobles Vérités : il y a une « avidité de l’amour » !

Cela entraîne la souffrance car il est impossible de rien garder dans notre monde humain.

Et c’est ce que le Bouddha essaye d’enseigner à Ananda, et à nous : aimer les mains ouvertes...Joshin Sensei


Conclusion d’une participante à la retraite sur le Parinirvana Sutra :

Pour ma part, il me semble que tout au long des textes, ce qu'exprime Ananda par ses doutes, ses questionnements, ses efforts, est le miroir de notre pratique et des questionnements qui nous accompagnent.


Les encouragements et les reproches que peut lui adresser le Bouddha sont les exhortations et le travail que nous devons réaliser tout au long du chemin.


Si le Bouddha pouvait toucher si distinctement le coeur de chacun de ses interlocuteurs, il me semble qu'à travers Ananda, il (le Bouddha et ses enseignements) touche chacun des lecteurs de ces sutras d'une façon personnelle, comme un écho ou une réponse.

En me promenant l'autre jour, m'est venue l'idée que le fait qu'Ananda, le disciple le plus proche du Bouddha, soit le seul à n'avoir pas encore atteint l'Eveil, nous montre que personne, pas même le Bouddha, ne peut nous amener à l'Eveil, ce n'est que nous-mêmes, si nous suivons avec soin les enseignements...Martine L.

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